9 septembre 2021
1ère séance
C’est dans un état d'épuisement que débute cette thérapie publique. Oui publique. Parce qu’après 6 ans d’échanges scellés avec mon psy, lui et moi enfermés dans un confessionnal, mes névroses ne semblent pas s’arranger mais au contraire se décupler. En témoigne cette première chronique totalement dépourvue de pudeur. Pas autant que Maeva Ghennam qui parle de sa vulve à ses 3,2 M d’abonnés sur Instagram… mais tout de même.
Déjà parce qu’à cause des températures contre-indiquées pour la vie parisienne, à savoir 31 degrés, je suis contrainte d’écrire le corps dépourvu d’un maximum de tissu, face au va-et-vient du ventilateur. Et l’image n’est pas flatteuse je vous assure. On est loin du cliché girl next door en débardeur et mini short galbant des courbes régulières, les cheveux négligemment relevés dans une coiffure floue, maintenue par le crayon à papier qui aurait servi à griffonner des notes pour la rédaction de ce papier, crayon au préalable légèrement machouillé, pour accentuer une moue de réflexion intense, à l’image d’un esprit totalement absorbé par la concentration, qu’il n’aurait même pas pu penser au caractère lubrique que pourrait entraîner ce geste... L'innocence hypocrite. Bref !
Premier état de fait de ma fatigue chronique : correspondre en permanence à l’image que l’on attend de nous. Alors voilà, non, je ne suis pas sexy en permanence, même si ça peut paraître franchement difficile à croire et vous constaterez bien vite j’espère, ma tendance à l’ironie et mon penchant pour le millième degré feuilleté. Excellent d’ailleurs, je recommande vivement d’en abuser, c’est sans calories.
Et pourtant. J’ai franchi un cap à la fois de fatigue et d'abdication patriarcale.
J’ai entamé le processus de l’épilation définitive à la lumière pulsée ! Voilà, j’avoue ! Pardon… J’ai honte. Mais je suis aussi tellement soulagée à l’idée de ne plus me soucier de ma pilosité pour m’habiller, me baigner, me faire ****************.
Ah si, finalement pudeur il y a et censure également.
Parce qu’on a beau lutter, parfois, on a besoin d’une pause. Et surtout, le monde change tellement lentement ! Quand je constate qu’on galère toujours à faire des “ouvertures faciles” en 2021, je me dis que les femmes à moustache, c’est pas pour demain !
Personnellement, j’ai été formatée dans un esthétisme genré. C’est ancré en moi et putain ! J’aime me maquiller, porter des talons, des robes, me faire les ongles, des masques, je me rassure en me disant que ça me détend. Mais ça me prend surtout du temps et de l’argent bordel !
Mais j’aime par-dessus tout voir les limites de la liberté du genre et de l’apparence repoussées avec revendication par toute une génération. Je suis aussi soulagée et heureuse d’assister à ça. Parce que je me rends compte que j’aurais été incapable d’enclencher cette révolution. Je suis fatiguée de coller à mon genre même si mon orgueil est gonflé à bloc quand je vois les yeux de l’homme que j’aime, briller après m’être préparée en pensant à lui.
Je suis fatiguée. Et pourtant, je peux parfois me reposer grâce à toutes celles qui ont osé dire non. Du coup hier midi, j’ai dit non au poke bowl et oui au burger-frites (végé) ! Parce que faut pas déconner, comme l’a si bien dit Meryem Benoua “j’suis pas venue ici (que) pour souffrir ok?” ! Ouais, je fais des citations. Faudra vous habituer.
Parce qu’on n’est pas au bout de nos peines !
Quand je vois comment a débuté la rentrée… On est sur un contexte vachement fun dites-moi !
Belbel qui nous fait sa dernière cascade, foirée, de toute évidence…
Zemmour qui, lui, est toujours en vie manifestement !
L’ouverture du procès des attentats du 13 novembre 2015, “l’anniversaire” du 11 septembre. Ça fait quand même pas mal d’infos difficiles à digérer à mon humble avis.
Surtout quand on est dans sa première semaine de cure… Bien sûr, je ne dis pas ça pour toutes les personnes emmitouflées dans de grands peignoirs blancs duveteux derrière une baie vitrée surplombant la plage de Deauville, mais à tous ceux qui, dans un élan enthousiaste de rentrée, se sont dit le 1er septembre : “Fini le covid, fini les conneries, je reprends ma vie en main et ça va aller mieux ! Je jette ma coke et mon tramadol qui me faisaient oublier toute la douleur de l’existence.” Bon bah, ça va être un peu plus difficile que ça… Après la quatorzième interview politique sur la potentielle candidature de Zemmour aux présidentielles, j’ai moi-même plongé la main dans ma poubelle.
Non bien sûr ! Je ne touche pas à ça, c’est bien trop soft. J’ai sorti la seringue.
Et oui, c’est pas possible le mot “anniversaire” pour se rappeler qu’il y a 20 ans, les deux tours du World Trade Center se sont écroulées dans une attaque terroriste faisant des milliers de victimes. Ça dénature beaucoup trop violemment l’esprit joyeux et festif qu’est censé représenter ce terme. Personnellement, aux anniversaires je sors les bulles et les paillettes. Après, tout dépend de quel côté on se place évidemment ! J’imagine que samedi soir, pendant qu’on se fera dresser le poil chez nous dans notre canapé en revoyant les images glaçantes de ces attentats, chez Al Qaïda ce sera champomy, cotillons et tirs de mitraillette dans la grotte !
Tout est une question d’angle de vue.
D’ailleurs leurs collègues de Kaboul ont fait une remontada fulgurante dernièrement. Pas très fair play par contre les mecs. Ils ont entamé le match contre l’évolution sociale avec des kalash face, notamment, à des femmes désarmées. Je pense que l'arbitre ne devrait pas tarder à sortir le carton rouge non ? … Il a quitté le terrain ? … Ah bon ? … Mais du coup c’est match nul ? … La mort subite ? Radical comme règlement non ?
Ouais, c’est un peu noir parfois, faudra vous habituer.
Bon y a un truc quand même pas trop mal, mais j’avoue qu'après tout ça, n’importe quel shoot de crack ne suffirait pas à me faire décoller. Mais j’vous l’dis quand même parce que Patrick a bien osé il y a 31 ans.
Alors voilà, la contraception féminine sera remboursée pour toutes les femmes jusqu’à 25 ans ! Bon, moi je me rapproche dangereusement du traitement inverse... mais même si je ne suis pas concernée par cette avancée de droit social féminin, je me réjouis. Avec une intensité relative à mon état d’épuisement n’oubliez pas, mais tout de même suffisante, en ayant à l’esprit toutes celles qui, dans le monde, n’ont même plus le droit (entre autre malheureusement, mais l’info vient de tomber comme une grosse merde au fond des chiottes) de faire du sport…
Il est temps de clôturer la séance, j’espère que vous avez pris des notes pour la semaine prochaine, faut pas hésiter. J’ai conscience qu’il faudra aussi réussir à suivre toutes mes digressions. Au bout de six ans, mon psy a toujours du mal… Je place tous mes espoirs en vous. Vous êtes ma dernière chance !
Love, Durex et Lexomil