Du 7 au 30 juillet, le festival OFF d’Avignon fêtait sa 56ème édition. Retour sur cette bulle de création artistique.
Chaque année, le festival OFF d’Avignon anime l’ancienne cité des Papes de ses spectacles vivants. La ville se transforme. Le 6 juillet au soir, les affiches ont déjà métamorphosé les rues. Pancartes sous le bras, les artistes parcourent la ville à la recherche d’une place pour accrocher les visuels de leur spectacle. Chaque recoin est sollicité : les lampadaires, les devantures de magasins, les grilles des squares, les balcons, les places parsemées de banderoles…
La programmation est vertigineuse : plus de 1 500 spectacles sont attendus par jour. Des pièces de théâtre, des seuls-en-scènes, des plateaux de stand up, des spectacles d'arts du cirque, … Avignon fourmille de monde. Les intermittent•e•s descendent dans les rues pour déclamer leur pitch en chantant, en dansant. Il faut se démarquer et convaincre les passant•e•s. Certain•e•s tractent seul•e•s, d’autres sont en parade ou accompagné•e•s d’une marionnette. Une femme enroulée dans des cordelettes pousse un chariot. A ses pieds, une petite boîte dans laquelle est enfermée sa grand-mère : « tout est normal à Avignon », chante Frédéric Fromet.
800 mini photos de Michel Delpech
Devant le Palace, situé à l’entrée des remparts, Avril distribue les flyers pour son spectacle. La veille, il a joué sur un plateau de stand up aux côtés de deux autres humoristes suisses : Lord Betterave et Thibaud Agoston. Ce soir, c’est la première représentation de son spectacle. Pour préparer le festival, le stand uppeur a imprimé et découpé 800 mini photos de Michel Delpech avec son QR code inscrit derrière chaque visuel. Pour comprendre cette référence, il faut voir son spectacle qui commence avec une anecdote personnelle sur ce chanteur : « C’est tellement pénible de flyer alors c’est important de s’amuser aussi, relève l’artiste. Je voulais surprendre les gens en leur donnant ce portrait et les faire rire ».
« Tout est normal à Avignon »
De l’autre côté de la rue, William Pilet tracte lui aussi avant de monter sur scène cette après-midi et jouer son spectacle Normal n’existe pas au Palais du Rire. Pour son premier Avignon, l’humoriste a établi un graphique : « En abscisses : le temps. En ordonnées : la douleur, explique l’humoriste. Au milieu du graphique, j’ai tracé une ligne d’action en pointillé. Avant de passer à l’action, la douleur monte très rapidement parce qu’on souffre plus en imaginaire qu’en réalité. Une fois qu’on commence, la ligne descend de la même manière qu’elle est montée. Tous les jours il faut sortir de sa zone de confort, à savoir le lit [rires]. Les premiers tracts sont les plus difficiles à donner ».
Les humoristes doivent également se démarquer des parades. Pour Hugo Pêcheur, c’est également sa première année à Avignon en tant qu’artiste. Il présente son seul-en-scène À contre-courant, au théâtre L’Autre Carnot : « A la différence des parades, les stand uppeurs n’ont pas d’accoutrements qui attirent le regard, relève l’humoriste. Donc il faut essayer de miser sur la tchatche pour interpeller les passants. Je donne mon flyer aux personnes qui ont le programme du festival en leur disant : “Attention madame/monsieur, vous avez fait tomber ce flyer de votre cahier”. Ça les fait souvent rire. Une fois que tu as ce petit sourire enclenché, tu peux parler de ton spectacle ».
Flyer en slip
La chaleur est écrasante. Des feux de forêts ont même été déclarés dans la région provoquant des pluies de cendres au-dessus d’Avignon. Pour se rafraîchir, « ça tourne au PAC à l’eau (pac citron, une boisson du sud de la France [n.d.l.r]) » s’exclame Thomas Angelvy. Mais la canicule est vraiment difficile à vivre : « Je ne me rafraîchis pas, je meurs, ironise Avril. Quand le festival se finit, je plonge dans une cuve de glaçons ».
« Vive le slip ! »
Avec 36°C en moyenne par jour, on plaint celles et ceux qui doivent revêtir tous les jours des costumes, des perruques et se maquiller pour parader. Bob vissé sur la tête, lunettes de soleil et slip blanc étincelant, les comédiens et comédiennes de la pièce Gourou font leur entraînement matinal et quotidien sur la place Saint-Didier. Dans leur pièce, Dorian Fontyn, François Aubagnac, Loïck Müllauer, Mélodie Møller, Raphaël Guerin, Suzanne Gardeux et Thomas Milatos interprètent des fanatiques du Véritanisme, une secte dans laquelle les membres doivent être en slip. Un moyen d’attirer l’attention et de vaincre la chaleur : « Vive le slip ! » s’exclame Suzanne Gardeux, comédienne et metteuse en scène de la pièce. Cœur avec les doigts.

Les acteur•rice•s passent ensuite de table en table pour distribuer des tracts et parler avec les festivaliers installé•e•s en terrasse : « Le moment gênant, ce n’est pas quand on est déjà en slip -c’est comme si on était en maillot de bain- mais quand on se met en slip, constate Louis Zumkeller. Et puis, quand on est en groupe, ça va. C’est plus compliqué quand on se retrouve soit trop derrière soit trop devant notre parade [rires] ».
« Ça tourne au PAC à l’eau »
Une observation qui fait écho à la metteuse en scène : « Pendant une parade, je suis en slip et je perds le groupe. Je croise une dame très en colère qui me dit : “Vous savez qu’il y a la mairie à côté ??”. Je lui réponds que oui mais que je les ai appelés avant le festival pour savoir si on pouvait parader en sous-vêtements. Elle a continué à me hurler dessus en disant que c’était vraiment abusé d’être en slip dans les rues… Quand j’ai réussi à retrouver les autres, je leur ai dit : “Vous ne m’abandonnez plus jamais en slip dans la rue [rires] ».
« J’ai échangé avec une institutrice de maternelle un peu bourrée »
Côté scène, les anecdotes ne manquent pas non plus ! Les soirs où Thomas Angelvy se produit au Palace, l’humoriste filme sa représentation : « Dernièrement, j’ai échangé avec une institutrice de maternelle un peu bourrée, une esthéticienne qui m’a raconté sa pire anecdote et une femme qui m’a expliqué le refus de son mari lors de sa demande en mariage [rires] ». Tous ces extraits d’impro avec le public sont ensuite diffusés sur ses réseaux sociaux pour les partager avec ses abonné•e•s.
L’ambiance festive de ce mois exceptionnel à Avignon touche à sa fin ce samedi 30 juillet. Vivement l’année prochaine !
©Photo de couverture : affiche festival off d'Avignon