Véritable étoile, dans le milieu de l'humour français, sa carrière a débuté sur scène dans les années 1980. Comique, comédien, acteur ou encore conteur, l'artiste continue de multiplier les projets, jusqu'à aujourd'hui.
Découvrez les secrets de sa réussite, ses projets, sa vision de l'humour, aujourd'hui et sa réaction face à quelques faits d'actualité !
Raconte-nous tes débuts.J'ai toujours considéré que c'étaient les autres qui te faisaient, c'était pas vraiment toi. Alors d'abord, ça commence à l'école. T'es un peu le clown de la classe. Ce sont eux qui te révèlent en fin de compte tes qualités. Mais ça ne suffit pas. Ce n'est pas parce que tu as les qualité d'humoriste, de comique dans la classe et avec ton entourage, que tu as les qualités pour monter sur scène.
La vraie rencontre, elle est quand je monte sur scène devant un public. Et là c'est la révélation. C'est là où j'ai compris, où on m'a fait comprendre que je ne m'étais pas trompé. Ça se passe dans un cabaret qui s'appelle le caveau de la bolée, à Saint Michel. Là nous sommes dans les années 80. J'arrive, je monte sur scène, je passe une audition. Et là, à la stupeur générale, et moi à ma grande stupeur, les gens ont ri. Et là a débuté ma carrière. Chaque soir, je venais, chaque soir, c'était un laboratoire. Chaque soir, j'ai appris à rencontrer le public, à me battre, contre lui et avec lui et contre moi même. Donc ça a été un conservatoire, ma formation.
Après c'est la chance, les rencontres. T'es jeune, t'as plein de rêves dans la tête, j'ai 20 ans. Après c'est la rencontre avec la télé, le théâtre de Bouvard, en 1982. Après, toujours des belles rencontres, de la chance, du travail. Et surtout ce qui m'a animé c'est la passion de ce métier, de monter sur scène. Je considère que c'est vraiment un métier. Ça commence par une passion, un désir, et après ça devient une profession.
Avais-tu pris des cours de théâtre ?
J'ai pris des cours de théâtre, mais pas plus de 6 mois. Le théâtre c'est la vie, le théâtre c'est l'envie. La grande qualité c'est d'avoir le coup de l'observation. Moi, je suis très observateur. On a l'impression souvent que je m'échappe des conversations. Pas du tout, je suis très observateur. Et puis j'adore entendre les gens rire. On est animé par ça.
Etait-ce difficile dans les années 80 de t'affirmer et de construire ta notoriété avec tes origines maghrébines ?
Mes origines, non. On pourrait considérer qu'elles auraient pu l'être au début, mais pas du tout. C'est un contexte. Ma réussite est liée aux qualités qu'on m'a donné : humoriste, drôle. Mais en même temps, c'est surtout d'avoir rencontré mon époque Nous sommes dans les années 80, l'éveil des minorités, la gauche au pouvoir, Le Pen, la marche des beurs. Je suis arrivé, j'ai été le premier à monter sur scène et à rire de moi même. Et voilà pourquoi certainement, j'ai marqué une époque. Je pense que si j'étais né aujourd'hui, avec tous les comiques, j'aurais été un parmi tant d'autres. Et il y aurait eu meilleur que moi.
Etais-tu un symbole pour la communauté maghrébine, un humoriste engagé ?
Ma nature a fait que je suis resté un humoriste, un observateur du quotidien. Je ne suis jamais rentré par ma nature, dans les problèmes religieux, les problèmes politiques. J'étais un symbole, par le fait de m'appeler Smaïn, et de faire l'Olympia. Je n'avais pas à faire un discours politique. C'est le discours que j'ai eu fréquemment avec Guy Bedos. "Tu devrais plus t'impliquer !" Non mon implication était dûe au fait que je représentais un symbole. Les buts de mes sketchs étaient avant tout de faire rire.
Dans les années 80, tu avais écrit le sketch du Président beur.
Quand j'écris le sketch, il y a une connotation politique. On la devine, mais je ne l'ai fait principalement pour ça. Le rire est sous jacent à ça, il y avait une raisonnance. Tu remarqueras que le Maire de Londres est d'origine musulmane. Comme quoi ce sketch peut-être prémonitoire.
Un Président beur en France, est-ce possible ?
Ce ne serait pas un président beur, mais un président français d'origine maghrébine, comme Chirac est d'origine auvergnate. Le maire de Londres est un symbole absolu. Il est le maire de tous les londoniens, de tous les anglais. La religion n'a rien à voir. Je suis pour la laïcité. J'ai toujours considéré que la religion est un fait personnel, les croyances sont personnelles. Ça c'est mon éducation. Voilà pourquoi je ne me suis jamais permis d'aller vers l'intimité. L'intimité confessionnelle et personnelle ne me regardent pas.
https://www.youtube.com/watch?v=6dBu3UeI7Wo&list=PL17zNeCRaaSDH0PaOvY2kplVru2ecomp2Que penses-tu des réseaux sociaux, nouveaux modes de promotion des humoristes qui n'existaient pas dans les années 80 ?
L'outil aujourd'hui est différent. Des comiques naissent par internet. Je pense évidemment à Kev Adams, et à plein d'autres. C'est un outil génial. On dit toujours dans ce métier, que le plus dur est de durer. Il y a des comédiens un peu factices, qui ne font que passer. Quand on a la vocation, il faut que cela dure le plus possible. Je m'y adapte et je trouve ça très pertinent. Quoi que là je viens d'apprendre qu'on a eu affaire à un premier suicide sur Periscope. J'ai décidé de retirer Periscope. C'est dommage, c'est un outil très pratique mais qui n'est pas utilisé comme il devrait être utilisé.
Tu as cumulé plusieurs casquettes tout le long de ces années.
On se découvre d'autres plaisirs et d'autres envies. Je ne suis pas qu'un humoriste. J'aime rire, c'est ma nature. Il y a d'autres choses qui me révèlent par mon métier, par mon âge. par mes rencontres. Là je viens d'écrire un conte pour orchestre filarmonique. je viens d'enregistrer un album avec Michel Legrand, je fais ce que j'aime. Ce qui soulève le problème de l'étiquette. En France, nous sommes étiquettés. Si t'es humoriste, tu dois le rester tout ta vie. On peut presque t'empêcher de devenir quelqu'un d'autre et de jouer par exemple en tant qu'acteur dans un film dramatique. J'ai eu la chance de jouer dans Harkis qui a été une vraie révélation pour moi. J'aimerais continuer à défendre des films plus tragiques. On est habités par la sensibilité. La sensibilité doit être au service de l'art. Elle peut être dans les films plus légers, humoristiques. Je peux aborder des sujets plus graves. Les Harkis par exemple a été une belle rencontre , un film que j'ai fait en 2006 avec Leïla Bekhti.
Que penses-tu de la nouvelle génération d'humoristes ?
Je ne les connais pas tous. Je trouve qu'il y en a beaucoup trop. Et ça s'élimine. Je peux te parler de ceux qu'on connait, ceux qu'on voit. On parle beaucoup de Younes et Bambi, que j'ai pas encore vu sur scène, mais dont on me parle beaucoup. Je fais confiance. Ce qu'il faut c'est sortir du lot. Les humoristes d'origine maghrébine, c'est un peu trop redondant, un peu toujours la même chose.
Si tu dois te déplacer pour le spectacle d'un humoriste de la nouvelle génération, ce serait lequel ?
Olivier de Benoist, que j'aime beaucoup ou le compte de Bouderbala. Le rire c'est aussi le propos. Et quand le propos est toujours le même, cela n'est pas intéressant. Le comte de Bourderbala a innové, il est en dehors, du profil.
Tu as également commencé les contes.
J'ai commencé les contes en 2006. On m'a fait une commande, puis une deuxième, une troisième . On m'a demandé d'écrire donc j'ai écrit. C'est comme sur scène, si t'es bon, les gens reviennent te revoir.
Tes actualités ?
L'écriture occupe une bonne partie de mon temps. En plus des contes, j'ai le projet de réunir les maximes que j'écris tous les jours et d'éditer un livre. Sinon, je serai aussi sur scène, le 30 mai à 21H00 au Théâtre du Gymnase ! J'ai le plaisir de me retrouver avec 5 comédiens, que j'ai découvert à Valberghe, le Festival d'humour. J'ai trouvé que chacun d'eux était drôle et pertinent. J'ai trouvé l'idée de les réunir un soir, tous ensemble. Et ça s'appelle "Bonne année, toute l'année!"
De gauche à droite : Terry Cometti, Benjy Dotti, Anthony Joubert, Smaïn Faïrouze, Cyril Etesse
L'équipe de "Bonne année, toute l'année!" en plein entraînement au Théâtre du Gymnase, pour le spectacle du 30 mai !
Si tu devais revenir en arrière, aurais-tu fait d'autres choix ? On a toujours des regrets. J'aurais aimé rencontré des metteurs en scène que je n'ai pas rencontrés. Mais c'est la vie, on ne peut pas tout avoir. Je me contente de ce que j'ai pu faire jusqu'à maintenant. On va dire que je suis content.
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