Après un passage dans le monde du cinéma et du théâtre, Booder revient sur scène avec un nouveau one man show Booder is back, un spectacle intime dans lequel l’humoriste nous livre une partie de son histoire. Rencontre avec un artiste drôle et touchant.
Vous avez fait des études de comptabilité, avant de devenir éducateur de rue. Vous disiez que vous vouliez avoir plusieurs clés pour ouvrir plusieurs portes. Comment passe-t-on de cet univers à celui de l’humour ?
J’allais au cours de théâtre d’improvisation en fin de journée pour me détendre et m’amuser. J’étais en trio avec deux autres potes. On s’appelait les Sans-Amis et on écrivait des sketchs. On s’inspirait beaucoup des Inconnus et de Smaïn. C’était une manière pour nous de jouer des rôles ou des personnages qu’on n’aurait jamais faits dans la vie comme docteur, avocat. Ça nous plaisait de faire rire les gens.
Mais à cette époque, en 97, on ne savait pas que comique c’était un travail, qu’on pouvait avoir un salaire en faisant rire les gens. On pensait que c’était juste de la déconnade. Le fait de voir l’ascension d’autres humoristes qui viennent plus ou moins du même milieu que nous comme Jamel, Ramzy, Gad Elmaleh, ça nous a mis la puce à l’oreille. On a vu que c’était une vraie profession. Je me suis lancé dedans à fond et je me disais que c’était une clé de plus à ajouter pour ouvrir une autre porte.
Vous avez découvert le théâtre avec la pièce d’Edouard Baer, À la française. A la suite d’un pari, vous avez écrit avec Paul Séré et Wahid La grande évasion que vous avez jouée pendant 5 ans. Pouvez-vous nous raconter plus en détail comment l’écriture de cette pièce s’est déroulée ?
Je connaissais le théâtre classique avec Molière et compagnie mais je ne connaissais pas le théâtre à la Edouard Baer, un peu libre et désordonné. Ça m’a plu de partager la scène avec dix autres personnes. Ensuite, quand la pièce d’Edouard s’est arrêtée, je jouais des sketchs que j’écrivais et ça m’a fait bizarre de me retrouver tout seul sur scène.
Il y avait un festival d’humour à Grenoble que je présentais et dans le train, j’ai retrouvé Wahid et Paul Séré. On a discuté pendant le trajet et à un moment, Wahid nous dit : « Pourquoi on n’écrirait pas un sketch à trois ? ». Je leur ai répondu : « Franchement les mecs, je viens de découvrir le monde du théâtre et ça serait bien qu’on écrive une pièce ensemble ! ». Les idées ont commencé à fuser et à la fin, ça a donné La grande évasion.
Que retenez-vous de cette expérience dans le monde du théâtre ?
Ça m’a appris à jouer avec les autres comédiens, à ne pas faire d’improvisation pour ne pas piéger ses copains. Le théâtre, c’est un exercice de style avec beaucoup de règles. J’ai remis un peu de ce que j’ai appris dans le spectacle que je joue en ce moment. J’ai découvert aussi la mise en scène et le décor. C’est très important au théâtre, le décor habille le spectacle.
D’ailleurs vous jouez votre seul-en-scène Booder is back, dans un décor de chambre d’enfant, pourquoi avoir choisi cet univers ?
Je pense que je suis encore un peu un enfant. J’ai un public familial donc il y a beaucoup d’enfants qui viennent voir mon spectacle. C’est aussi une passation de pouvoir avec mon fils, ou une manière de raconter le fait d’être papa.
Comment décririez-vous votre chambre d’enfant ?
C’était une chambre que je partageais avec mes grands frères et dans laquelle je rêvais de plein de choses ! Il y avait des footballeurs, des astronautes et des chefs d’orchestre. C’est là où j’ai vécu, j’en ai un souvenir chaleureux, convivial et familial !
Vous laissez une grande place à l’improvisation dans votre spectacle et vous n’hésitez pas à faire monter votre public sur scène. Pourriez-vous nous raconter un souvenir qui vous a marqué ?
Une fois j’avais fait monter sur scène un monsieur qui ne parlait que l’Anglais et qui ne comprenait pas super bien le Français. Il accompagnait juste sa chérie voir le spectacle. Quand je l’ai fait monter sur scène, je ne savais pas qu’il ne parlait pas Français. J’ai commencé à lui parler et je voyais qu’il ne me répondait pas. Il m’a juste dit : « hablo español so just english ». C’était très marrant de jouer ce moment en anglais ! C’était intéressant aussi parce qu’il venait voir un mec sans comprendre ce qu’il disait. Il m’a dit : « vous avez une force comique quand on vous regarde, ça me suffit moi pour une heure et demie de spectacle ». J’étais touché par son regard.
Il y a dix ans, vous faisiez votre premier one man show. Après l’écriture de votre nouveau spectacle, quel regard portez-vous sur votre premier passage sur scène ?
C’était le spectacle d’un mec qui arrivait sans beaucoup d’expérience mais avec beaucoup d’envie, d’énergie et de dynamisme. A l’époque où j’ai commencé à jouer ce spectacle, en 2003-2004, il n’y avait pas grand monde, pas encore de Jamel Comedy Club. Je parlais de moi, du quartier. Je voulais réunir dans ma salle des gens qui ne me diraient peut-être pas bonjour dans la rue. Aujourd’hui encore, le mélange de personnes différentes dans la salle me touche. C’est une réussite pour moi.
J’ai joué ce premier spectacle dans la joie et j’ai vraiment kiffé, j’en suis très fier ! C’est un spectacle qui m’a permis de rencontrer des gens, de m’épanouir. J’en parle d’ailleurs dans mon nouveau one man show. Tout ce que je raconte dans Booder is back est vrai, même si c’est maquillé avec de l’humour parce qu’on n’est pas là pour faire pleurer les gens !
Quels conseils donneriez-vous à une personne qui se lance dans le stand up ?
Je pense qu’il faut se donner des buts et se demander « pourquoi je monte sur scène ? ». Avant d’écrire mon deuxième spectacle, c’est la question qui trottait dans ma tête pendant des mois, je devais trouver un angle. Il faut se demander aussi « pourquoi je veux raconter telle ou telle chose ? ». Faire du stand up juste pour être connu ou faire rire les gens ne sont pas des raisons suffisantes. Il faut avoir envie de raconter quelque chose parce que le stand up est un support de thérapie pour la personne qui est sur scène. Tout être humain a un ego à échelles différentes et on le soigne quand on monte sur scène.
Un conseil que je donnerais c’est : faites-le par amour de la scène. C’est tellement difficile parfois que c’est cet amour qui vous fera rester sur scène et être capable de jouer devant quatre personnes. Il faut être patient et donner du temps pour que ça aboutisse à quelque chose.
Je rencontre des copains comiques qui écrivent et me disent : « je suis en train de faire un spectacle entier d’une heure quinze, et j’ai pris une salle ». Je leur réponds : « ok, bienvenue dans l’game, tu vas voir ce que c’est de jouer et d’avoir une production derrière ». Le Paname c’est un endroit exceptionnel pour s’entraîner mais on ne peut pas rester quatre ans là-bas. Même en étant très drôle, dix minutes de sketch ne suffisent pas à ouvrir les portes du succès théâtral.
Il faut aussi être prêt à recevoir un ascenseur émotionnel énorme. Après la fin de mon spectacle, je sors et je fais des photos avec tout le monde. D’une certaine manière, le spectacle se prolonge un peu dans le hall. Une fois que les photos sont terminées, je me retrouve tout seul dans la rue, les gens sont rentrés chez eux. C’est à cet instant que l’ascenseur émotionnel est très fort parce qu’on passe d’un moment où tout le monde veut nous parler et faire des photos à un autre où il n’y a plus personne. Il faut être fort psychologiquement et posé dans sa tête, avoir une vie à côté. Mon fils me permet de garder les pieds sur terre, le quartier dans lequel j’ai grandi aussi. C’est important d’avoir un point de chute quand on tombe.
Avez-vous d’autres projets après votre tournée ?
J’ai déjà le projet de remplir les salles, que les gens viennent voir le spectacle. J’aimerais que ce one man grandisse et finisse dans une grande salle parisienne avec une grosse tournée. On a déjà beaucoup de dates en province mais j’espère qu’on en aura d’autres parce que j’adore jouer en province ! Après j’enchaîne avec une pièce de théâtre en duo avec Eléonore Bauer, que l’on a écrite ensemble. J’aimerais revenir au théâtre avec cette nouvelle pièce !
Merci à Booder d’avoir pris le temps de répondre à nos questions.
Retrouvez son spectacle tous les soirs du jeudi au samedi au Grand Point-Virgule à Paris et tous les soirs sur C8 dans Touche Pas à Mon Poste où il parodie des bandes annonces.