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Djamil Le Shlag : "J’aime les personnages décalés"

Coincé entre Vichy et les Etats-Unis, Djamil le Shlag présente son spectacle Il était une fois...le Shlag. Dans son spectacle qui n'est pas vraiment un conte de fée, il évoque notamment son enfance en Auvergne ou ses vacances hors du temps au Maroc, l'humoriste carbonise les planches avec sa gestuelle et ses anecdotes hilarantes. Entretien avec un punchlineur funky.

Comment vous êtes arrivé à la scène ?

J’ai un parcours complètement chaotique. Je suis titulaire d’un BEP Distribution Magasinage pour faire des parcours en transpalette manuelle. Ensuite, j’ai passé mon bac. J’ai fait une fac de socio, puis d’histoire. Cela ne m’a pas trop plu. Après, je me suis mis à bosser dans le commerce pendant quelques années. J’ai voyagé aux Etats-Unis, en Afrique et en Asie. Le pays qui m’a le plus marqué c’est les States mais on s’est fait avoir. On s’est beaucoup fait influencer par la culture américaine. Quand tu te retrouves à Spanish Harlem, entouré de chicanos et des renois qui parlent avec l’accent ricain, dans ta tête, tu te sens plus. J’avais vu des spectacles de stand-up là-bas. C’était il y a une dizaine d’années. Je voyais que cela marchait grave. 

Cette découverte vous a donné des idées ?

Quand je suis revenu en France, j'ai vu qu'on était encore très théâtre. J’aimais bien mais cela ne me traversait pas l’esprit de faire de la scène. C’est vraiment quand cela s’est démocratisé en France, il y a sept, huit ans, que l’idée a émergé en moi. J’ai décidé de me lancer il y a quatre ans. Il y avait une scène ouverte au Café de Paris, au Chinchman, là où j'ai fait ma première scène. Ensuite, j’ai fait la rencontre de Gerard Benard, le patron du Ze Artist. Il m’a proposé de faire une saison chez lui. A partir de là, je me suis dit, je vais essayer de faire de la scène et essayer d’en vivre. Ensuite, j’ai fait le Samba show et un jour j’ai été repéré par Yassine Bellatar qui m’a proposé de faire un showcase et ensuite plusieurs dates au théâtre de Dix Heures. 

D’où est venue cette idée de Djamil le Shlag ?

C’est quelque chose qui vient de l’enfance. Quand j'étais plus jeune, on m’appelait "le shlag". Pour moi, le shlag ce n’est pas forcément un alcoolique ou un drogué. C’est quelqu’un de marginal et décalé. Ce qui était mon cas. Vu que je n’ai jamais vraiment été dans le coup, on m’appelait le shlag. C’est un personnage qui est resté avec le temps. Cela permet d’avoir une vision différente de la société dans laquelle on vit. 

Comment vous fonctionnez pour écrire vos textes ?

J’écris tout sur un cahier. Dès que j’ai une idée, je réunis quelques copains qui sont dans la même mouvance shlag. L’idée c’est de partir sur un sujet basique et d’essayer d’étirer le truc le plus loin possible, pour essayer d’en rire. Si cela me fait rire sur le coup, c’est que c’est marrant. Ensuite, j’essaie de l’intégrer au spectacle pour voir ce qui va et ce qui ne va pas. Je laisse un peu de place pour l’impro mais j’essaie de rester sur les rails un maximum. Car si je pars dans l’impro, après cela devient un spectacle d'impro. 

Vous parlez beaucoup de l’enfance dans votre spectacle ?

Ce sont des souvenirs extrêmement drôles et maintenant les regarder avec le recul, cela me fait marrer et cela permet aux gens de se reconnaître dans l’enfance, même si parfois j’extrapole un peu. C’est une période de la vie incroyable. Ce qui me motive à faire des enfants, c’est que j’ai envie de rire avec eux. Au fur et à mesure, il y a d’autres thèmes qui interviennent comme l’amour, le complexe identitaire, le féminisme. J’ai bientôt 33 ans, je ne suis toujours pas marié. On est combien dans ce cas ? Je me suis dit que je suis obligé d’en parler.

Vos proches ont vu le spectacle ?

Mes parents jamais. Ils sont plus ou moins au courant que je suis dans ce milieu. Je suis originaire du Sud du Maroc, on est dans un culture du Sahara. Le conte c’est quelque chose qui revient souvent. Pour nous endormir, mon père nous racontait toujours des histoires extraordinaires où bien-sûr c’était lui le héros. Au début, cela partait d’une réalité et à la fin il se battait contre des dragons. On n'avait pas trop le droit de regarder la télé. Il y avait toujours des scènes d’amour, c’était un peu la honte. Du coup, c’est mon père qui faisait son propre long-métrage.  

C’est lui qui vous a transmis cette envie de narration ?

Dans mon spectacle, je raconte des histoires et des anecdotes. Je pense que cela m’est venu de cela. J’espère qu’ils vont venir un jour. J’ai un frère qui est venu et qui a beaucoup ri, sauf sur le passage où je parle de lui. Sinon, il était plutôt content. Je fais cela avec bienveillance. Je viens d’une culture où quand tu tailles une personne, c’est que tu l’aimes beaucoup. Le fait de ne pas vanner l’autre, tu l’exclus. Faut pas être susceptible, la susceptibilité c’est le cancer du 21eme siècle (rires). 

Vous n'êtes pas très présent sur Internet. Pourquoi cela ?

J’ai une adresse mail depuis peu. J’ai grandi en Auvergne en même temps. J’ai du mal avec tout ce qui est Instagram, c’est quelqu’un qui fait cela pour moi. Snapchat, je n'ai rien compris. Laissez moi tranquille. Ils me demandent de faire des vidéos, cela dure sept secondes mais moi j’ai besoin d’une heure. Je me dis que tout le monde s'en fout de ma gueule. Quand je vois mon fil d’actu, je vois que tout le monde fait des selfies. Les mecs montrent leurs muscles et les filles leur cul. Pas toutes, mais il y en a. Je me dis quel est l’intérêt ? Mais pourquoi ? Comment en est-on arrivé là ? Tu te starifies toi-même. Tu as quatre « J’aime » et tu es content. 

Quelles sont vos références humoristiques ?

Ce qui m’a marqué ce sont des humoristes comme Chantal Ladesou. Quitte à passer pour un ringard, j’adore son humour. Je trouve que c’est un personnage de ouf, j’adore sa voix. Elle me tue de rire. D’ailleurs c’est souvent les voix qui me font rire. Il y aussi Roland Magdane. Cela doit être mon côté auvergnat. Après, il y a le Comte de Bouderbala, Thomas N’Gijol, Fabrice Eboué, Yassine Bellatar. Perceval de Grâce, il m’a tué sur scène. On ne se connait pas du tout mais j’ai hâte de le voir sur scène. Sinon chez les Américains, comme tout le monde, Chris Rock, Dave Chapelle. Sinon, Louis CK. Il est marrant ce bâtard. Il est physiquement drôle et il arrive à tirer vers l’absurde. C’est quelque chose qui nous touche les humoristes. Sinon en Cinéma. J'aime les films de Jackie Chan. Un des personnages qui me fait marrer, c’est Joe Pesci. Après, j’aime les personnages décalés. Ce sont des personnes qui n'ont pas l’air de faire partie de mon monde. Ce sont mes préférés. Les gens de tous les jours sont les plus marrants, souvent malgré eux. 

L’affiche est un clin d’oeil a Spike Lee. Cela fait aussi partie de vos influences ?

Je suis le dernier d’une famille extrêmement nombreuse. Je n’ai que des frères et une seule soeur. Tous mes frères sont nés dans les années 60. C’est vrai que dans les années 80, il n' y avait pas de référence pour les minorités ethniques en France. Toute cette génération s’est identifiée aux latinos, aux afro-américains. Donc je me suis dit que c’était un clin d’oeil à Do the right thing que j’ai vu 150 fois. Malheureusement, quand je vois un film comme cela qui a été fait en 89, et qu'en 2016 en France, on constate encore ce genre de problèmes liés à l’ethnie, c’est relou. 

Aux Etats-Unis, ils sont pourtant plus communautaires ?

Oui mais au moins c’est affirmé. Quand j’étais petit on me disait : "Tu es francais". Après quand tu grandis tu vois que cela n’est pas aussi simple que cela.  Maintenant à Paris, c’est plus simple, on est des privilégiés. Je ne suis jamais rentré en boîte, sauf dans une boîte d’arabes à Montpellier. Ils ne mettaient que de la funk et du raï. Bon je n’étais pas mécontent mais je voulais rencontrer autre chose aussi, je voulais aller dans les boîtes house où les gens prennent de la cocaïne (rires). On parle souvent du rêve américain, c’est cool quand tu vas en vacances. Le souci c’est que j’ai eu mal aux dents là-bas, le dentiste c’était 1800 dollars. Il y a pleins de trucs qui ne vont pas mais le système est fou. Ce qui nous manque en France, c’est un peu plus de fraternité. Peut-être qu’on aurait dû gagner l’Euro. Cela nous aurait ressoudés pendant un mois. 

Quels sont les humoristes avec qui tu t’entends bien ?

Je n’ai d’embrouilles avec personne mais je m’entends bien avec des artistes comme Julien Essomé, Jean-Claude Muaka ou Christo Ntaka. D’ailleurs, en première partie, j’essaie de faire venir des humoristes, afin de les faire découvrir au public. 

Quelles sont très prochaines échéances ?

Je vais continuer le spectacle cette année. Il y aura pas mal de nouveautés liées à l’actu, vu que les présidentielles arrivent. On risque de se retrouver avec un second tour complètement fou. J’ai aussi des chroniques dans Les 30 glorieuses, l’émission de Yassine Bellatar et Thomas Barbazan sur Radio Nova, une fois par semaine où j’ai carte blanche.

Votre anecdote la plus marrante sur scène ?

Un soir, j’ai pris à partie quelqu’un dans le public un peu gentiment. Ce mec était balèze. Tout le monde rigole, et un moment je croise le regard de ce gars qui me fait un signe, genre il va m’étrangler. Il me restait encore du temps de jeu. Il avait un visage qui faisait peur. A la fin, il m’attendait. Je pensais qu’il allait me casser la tête mais il m'a dit qu'il avait fait cela pour me perturber. Un autre jour, je jouait mon spectacle et je tombe sur des gens de Vichy, ma ville. Ils sont arrivés au théâtre complètement par hasard. On en a profité pour aller boire un verre après le spectacle. 

djamil le shlag

Retrouvez Djamil le Shlag à partir du 2 février au Théâtre de Dix heures, tous les Samedi à 22h30

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