Originaire du Mans, Henry Fexa est un des magiciens les plus talentueux de sa génération. Connu sur internet à travers des vidéos dans lesquelles on le voit déambuler dans les rues de France et proposer des tours de magie à des passants ébahis et troublés, il se produit depuis quelques temps au Paname Art Café et prépare son nouveau spectacle ! Rencontre avec un artiste fascinant et insolite…
Tu es devenu magicien professionnel à l’âge de 19 ans. Que faisais-tu avant de te lancer dans la magie ?
Après mon bac, j’ai fait un an de psycho mais ça ne me plaisait pas de ouf. Je faisais des presta de magie depuis l’âge de 14 ans dans des restaurants ou des bars au Mans. En 5 ans de prestations, et à force de donner ma carte de visite, j'ai fini par jouer un peu partout en France. Je prenais des trains pour aller dans d’autres villes, je gagnais des thunes. Revenir chez moi et aller en cours le matin n’avait pas trop de sens… C’était super tentant d’arrêter les études pour essayer d’en vivre. Et puis, dans ma tête, plus tôt je pouvais commencer à le faire, mieux c’était.
Pourquoi as-tu choisi de faire de la magie ?
Quand j’étais petit, ma mère organisait des soirées-spectacles où Jean-Jacques Sanvert, un de ses potes, venait faire de la magie. J’étais trop fan de lui ! Un jour, il m’a offert un DVD et un livre. J’étais en 4e ou en 3e. J’ai regardé ça avec un pote et on s’est dit : « viens, on fait un spectacle dans une maison de retraite ». Et on y est allé ! C’était plus un show d’hypnose parce que les trois premiers rangs étaient en train de dormir [rires]. Mais dans une maison de retraite tant que tu as une bonne tête et que tu es souriant, ça marche. On a appris d’autres tours et on est allé dans les restaurants et les bars. Ça a commencé à prendre une petite ampleur sans m’en rendre compte. Je testais des nouveaux tours dans les restos le soir que je travaillais en cours.
Justement, comment peut-on apprendre des tours alors que, ce qu’on appelle le « truc » en magie, est censé rester secret ?
C’est un business ! Il y a des magasins de magie, des livres, des DVD. Je crois qu’on dit que les plus gros secrets sont cachés dans les livres. Ils coûtent une blinde en plus, et il faut en acheter beaucoup parce que tu n’apprends rien sinon.
Un jour, Jean-Jacques Sanvert nous a appris à faire choisir une carte à quelqu’un et à connaître à l’avance celle qu’il prendrait. A partir de là s’offre à toi plein de tours de magie possibles.
Quand j’avais 15 ans, j’ai acheté un livre sur « comment donner sa carte de visite en magie ». Comme le titre était marqué en anglais, je n’avais pas compris ce que ça voulait dire [rires]. Et je m’en foutais d’apprendre ça ! Ce livre m’a coûté 50 balles et ne m’a jamais servi… Pareil pour les DVD ! Parfois tu en achètes un, tu le regardes mais y’a rien qui te plaît. Ou alors c’est pas à ton niveau : soit c’est trop facile, soit c’est trop dur.
Il y a aussi internet qui peut t’apprendre des trucs trop bien. Et il y a surtout les rencontres ! Comme chacun apprend de son côté, si je rencontre un magicien et qu’il est plus fort que moi dans l’art de la scène ou dans sa technique, je vais quand même connaître des trucs qu’il ne connaîtra pas. Les rencontres te permettent de mélanger ton savoir. Ça marche trop pour gagner des steps !
Quel est le premier tour de magie important que tu as appris ?
Un jour, Jean-Jacques Sanvert nous a appris à faire choisir une carte à quelqu’un et à connaître à l’avance celle qu’il prendrait. A partir de là s’offre à toi plein de tours de magie possibles. C’est comme lorsque tu mets kickflip en skate. Tu galères et dès que tu y arrives, tu vas pouvoir débloquer plein de figures !
Je vois la magie un peu comme des accords de guitare. Une fois que tu en connais, tu vas pouvoir créer ta musique. En apprenant ce tour, Jean-Jacques Sanvert m’avait donné un accord qui allait pouvoir me servir pour plein d’autres choses. Il faut plus s’intéresser aux accords qu’apprendre à refaire la musique de quelqu’un. Je suis une merde en guitare mais je sais jouer Come as you are de Nirvana. Je fais des trucs mais je ne sais pas ce que c’est [rires]. Si j’avais appris des accords, je pourrais jouer d’autres musiques.

Certains magiciens disent qu’apprendre un texte est plus important que le tour en lui-même. Qu’en penses-tu ?
Je pense qu’il faut absolument avoir une raison de faire un tour de magie. Il faut trouver un texte, que tout soit lié.
Je pense qu’on ne peut pas être magicien au premier degré en disant aux autres : « j’ai des pouvoirs ». Le plus dur pour moi, c’est de travailler mon identité, mon personnage.
Ce que je n’aime pas dans la grande illusion, c’est les magiciens qui arrivent avec des énormes boîtes noires et jaunes sur des camions, et dans lesquelles ils vont mettre des gens par exemple. Mais en fait, c’est quoi la boîte ? Elle ne sert qu’à faire de la magie. On perd toute la notion de surprise. Alors oui ton tour est ouf, mais heureusement ! T’as ramené ton matos, évidemment que ça fonctionne [rires].
En ce moment, je travaille sur des grandes illusions mais je prends des objets qui vont me servir au départ pour leur fonction première. Par exemple, je vais prendre une table basse et je vais l’utiliser pour poser mon verre de vin. Mais elle sera truquée et il y aura un tour avec.
Et pour toi, quelle est la chose la plus difficile à apprendre en magie ?
Je pense qu’on ne peut pas être magicien au premier degré en disant aux autres : « j’ai des pouvoirs ». Le plus dur pour moi, c’est de travailler mon identité, mon personnage. Je fais attention à l’attitude et au style. Tous les jours, il faut jouer, s’écouter et voir ce qui est intéressant de garder ou d’améliorer.
As-tu trouvé ton personnage ?
Je commence à comprendre ce que j’aime. Et notamment l’honnêteté sur scène, dire ce qu’il se passe.
Comment définirais-tu ton style de magie ?
Je ne sais pas du tout si je suis le seul à le faire, mais en ce moment je suis au Paname et j’essaie de faire des blagues avec des sujets que j’aborde. Je suis encore tout petit mais si tu m’enlèves la magie, je peux faire un 5 min de blagues. Je ne veux pas être « magicien-drôle » parce qu'aujourd’hui, tout le monde est drôle en magie. Je veux faire du stand up et de la magie. Et ça me fait kiffer d’apprendre à faire ça. C’est peut-être ce qui va me différencier plus tard.
Que signifie « être magicien » pour toi ?
Montrer des choses aux gens qu’ils ne peuvent pas expliquer.
Et comment réagit le public ?
Il y a de tout, des gens qui cherchent à comprendre et d’autres qui vont croire que tu les prends pour des cons, qui vont mal le prendre. Il y a certaines personnes qui rêvent de voir de la magie alors ils sont trop contents !
J’ai un bon fail sur le tour où je dois sortir une pièce par mon nez.
En France, je pense que la majorité des gens vont essayer de trouver le truc et c’est d’ailleurs ce qui est intéressant. Ils essaient mais ils n’y arrivent pas. Le public français est très difficile.
Aux Etats-Unis, les émotions des gens sont décuplées. Quand j’ai tourné des vidéos aux Etats-Unis, la réaction des gens n’était pas la même qu’ici. En France, quand tu arrêtes quelqu’un dans la rue et qu’il y a une caméra, il est un peu paniqué. Et moi le premier ! Aux Etats-Unis, ils sont trop contents d’être filmés. Ils vont aussi essayer de te donner une bonne réaction parce qu’ils veulent que tu aies du bon contenu.
As-tu déjà eu un souci durant un tour de magie ?
J’ai un bon fail sur le tour où je dois sortir une pièce par mon nez. Il y a trois mois, je jouais au Paname un dimanche après-midi et il y avait des enfants. Juste avant d’avaler la pièce, je fais toujours une blague en disant : « ce que je suis en train de faire les enfants, ça fait 10 ans que c’est mon métier, surtout faites-le, ça défonce ».
J’avale la pièce et je mets la pince dans mon nez. Sauf que je n’arrive pas à récupérer la pièce. Je sors la pince sans la pièce et je me rends compte qu’il faut que je meuble mais je ne sais pas quoi faire. Donc je remets la pince dans mon nez et je cherche à nouveau la pièce. Et là, il y a une meuf qui dit : « wesh y’a du sang ». Je la regarde, et je dis : « elle est chelou elle… ». Je retire la pince et je vois qu’effectivement il y a du sang. Par panique, et comme je ne sais toujours pas quoi faire, je remets la pince une troisième fois dans mon nez. Je recherche, je ressors la pince et là laisse tomber, il y avait plein de sang…
J’étais super inquiet alors j’ai dit : « excusez-moi je dois y aller, je vous attends à la sortie avec la pièce promis ! Et je jouerais demain... à l’hôpital ! Merci beaucoup ». Au final, j’ai réussi à sortir la pièce, elle était juste coincée et je saignais uniquement du nez à cause de la pince, ça ne venait pas de mon cerveau.
Un jour, je suis monté sur scène et tout le monde m’écoutait. Je me suis rendu compte de l’écoute qu’il y avait et que je n’en avais jamais eu autant avant. Je me suis dit : « c’est ça que je veux faire ».
C’est un tour très dangereux mais je l’adore. Ça fait quatre ans que je le répète et je n’ai eu qu’un problème depuis que je le fais. Je me suis d’ailleurs entraîné à avoir une pièce dans le nez pour que mon corps s’y habitue. Je suis allé boire des verres avec des potes au Mans en ayant une pièce dans le nez. Je ne pouvais pas le dire parce que c’était un tour pour mon spectacle.
Tu as fait du close up, du streetmagic, de la magie pour enfant, de la grande illusion. Que préfères-tu ?
J’ai fait très peu de magie pour enfants et je n’aime pas du tout parce qu’ils te prennent pour un vrai magicien.
J’ai fait du close up pendant 11 ans. J’étais habitué à aller dans les restaurants, à faire les trente ans de Peugeot où les gens ne sont pas là pour toi. Ils viennent boire du champagne et il se trouve qu’il y a un mec qui fait de la magie donc ils s’en foutent un peu. Il faut que tu sois chaud et que tu aies beaucoup de prestance. C’est très dur.
Un jour, je suis monté sur scène et tout le monde m’écoutait. Je me suis rendu compte de l’écoute qu’il y avait et que je n’en avais jamais eu autant avant. Je me suis dit : « c’est ça que je veux faire ».
Et puis, quand tu joues dans un restaurant, tu vas voir une table puis une autre, tu fais du cas par cas. C’est seulement pour eux que le moment est unique, alors que sur scène c’est un moment unique pour tout le monde.
Tu as fait les premières parties de Lomepal lors de sa tournée pour le Flip Tour. Que t’a appris cette expérience ?
A dormir dans une couchette [rires]. Ce qui est bien mais aussi cruelle, c’est que les gens ne sont pas là pour toi. C’était très compliqué parce que je ne suis pas connu, j’ai une tête à être dans le public, je ne fais pas de rap, je ne suis pas annoncé et je fais un truc où les gens doivent être assis alors que là ils sont debout et bourrés. Donc ça m'a appris à gérer tout ça.
Et c’était incroyable, j’étais avec tous mes potes dans un tour bus. Tous les matins je me réveillais et j’étais dans une autre ville.
C’était la première fois que je traînais dans un truc professionnel. Avant je produisais mon spectacle tout seul donc j’étais à la hauteur de ce que je savais faire. Ça marchait mais c’était un peu bordélique. Ça m’a fait du bien d’arriver dans un truc où tu es cadré. Si j’avais besoin de quelque chose qui allait faire avancer mon set, je pouvais l’avoir. Si tu déconnes c’est pire mais ils font tout pour que tu gères.
Tu tiens le compte instagram de Freddy Fred avec Camille Landru et Vincent Leplat. Peux-tu nous teaser en quelques mots ses prochaines aventures ?
Il y a une meuf qui nous a écrit parce qu’elle a un tout petit Freddy qui doit avoir deux ans. Et ils vont venir tous les deux à Paris ! Alors pour la prochaine vidéo, Freddy Fred va retourner dans le passé et se confronter à lui-même pour une sombre histoire de macarons...
Merci à Henry Fexa d’avoir pris le temps de répondre à nos questions. N’attendez plus pour réserver vos places pour sa première date au Mans. Et restez connectés, l’annonce des autres dates à Paris arrive très prochainement !

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