Après un passage au théâtre et des caméras cachées avec Action Discrète, Julien Cazarre est devenu une référence dans la satire footballistique. Tout d'abord sur RMC avec ses parodies de chansons. En 2013, il franchit un palier et rejoint l’émission J+1 sur Canal+. Chaque semaine, il décortique et remixe habilement des images de Ligue 1. Sa séquence de doublages des footballeurs est déjà culte. Nous avons échangé lui sur sa carrière et son rapport au foot et l’humour.
Comment vous avez décidé de vous lancer dans l'humour sur le foot ?
Avant de faire du théâtre, j’étais un gros beauf qui allait aux matches. Je pensais foot, je mangeais foot et je dormais foot. Pendant mon adolescence je m’intéressais pas aux meufs mais au foot. Donc à un moment donné quand j’ai eu l’opportunité avec RMC de faire un truc sur le foot, j’ai bondi sur l’occasion. C’est une question d’opportunités, donc si on m’avait proposé de faire un truc sur le curling ou les fléchettes, j’aurais refusé. A l’époque, j’étais sur Action Discrète. On avait fait une caméra cachée spéciale foot, j’avais donc été invité pour en parler sur RMC. J’en ai parlé avec les animateurs qui trouvaient que je m’y connaissais en foot. Ils m’ont proposé dans la foulée une chronique. Ce qui est drôle, c’est que Canal Plus ait pensé à moi en dernier.
Vos doublages de joueurs diffusés dans J+1 vous ont rendu célèbre. D’où vous est venue l'idée ?
Au départ, ce n’est pas ce qui est prévu. C’est un vieux truc que je voulais faire depuis l’époque d’Action Discrète. Quand je suis arrivé sur l’émission, je me suis dit que c’était le moment, surtout qu’il y avait plein d’histoires à raconter. Je le faisais un peu au début, puis de plus en plus après car cela marchait bien.
Vous n'avez jamais eu de soucis avec des joueurs ?
Si avec Jourden et Ali Ahamada mais les joueurs le prennent bien, même quand je leur fais une voix improbable. Une fois j’ai fait une voix improbable avec Nicolas Pallois, Il l’a bien pris. Je lui ai fait la voix de Hodor dans Game of Thrones, alors qu’il n’a rien à voir avec cela.
La France est-elle en retard dans le traitement humoristique du foot ?
Oui et non. On a été en retard sur la diffusion des matches et la façon de le décortiquer. Nous quand il n’y avait que Téléfoot, À l’étranger plusieurs émissions par semaine étaient déjà diffusées. C’est normal car c’était dans la logique de l’époque. Avant 1998, c’était marginal le foot. A la télé, je suis le seul. Il y a beaucoup d’humoristes qui s’intéressent au foot. Le problème c’est qu’ils ont énormément de choses à faire et ils sont en tournée, donc c’est incompatible avec le fait de faire une émission régulière. Pourtant des humoristes comme Baptiste Lecaplain ou Arnaud Tsamère ou Malik Bentalah qui adorent le foot pourraient en parler pendant des heures et seraient très bons pour le faire en one-man show.
A part votre expérience dans le théâtre, vous n’avez jamais fait de stand-up…
Oui c’est vrai mais lorsque je faisais mes sketches avec Action Discrète, il y avait une grosse part d’improvisation. On avait un scénario de base, ensuite on développait autour de cela. L’impro permet de ne pas être déstabilisé et quand on est sur scène on peut vite être déstabilisé. C’est grâce aussi à cela qu’on n'a pas peur d’oublier son texte. Ce qui fait oublier le texte ce n’est pas les trous de mémoire mais plus la peur de l’oublier. Cela permet aussi d’être plus fluide, sans reposer sur le texte mais aussi interagir avec le public.
Quelle personnalité du foot aurait pu faire un bon comique ?
Jérôme Rothen qui est très drôle dans la vie. Parmi les joueurs actuels, il y a pleins. C’est souvent les anciens les plus drôles car ils ont un peu plus de bouteille et font moins attention à ce qu’on va penser d’eux. Ils sont plus relâchés. Je pourrai citer Rodéric Flilipi, ancien joueur du Gazélec d’Ajaccio. Parmi les présidents, Loulou Nicollin était extraordinaire. Avec lui, j’ai passé un super moment avec lui quand j’étais dans son musée. Il me faisait vraiment marrer. C’était quelqu’un d’entier. Il n'en avait rien à fiche de savoir ce qu’on pensait de lui. En vrai, il était beaucoup plus fin qu’il le paraissait. J’aime bien ce genre de personnage, un peu différent.
Le foot est parfois marrant malgré-lui, notamment le PSG, votre club de coeur…
Evidemment ! Ce qui est génial avec le PSG, c’est qu’il pourraient avoir les meilleurs joueurs du monde, il y aura toujours une part de tragi-comique et cela fera rire toute la France. Contre le Barça, l’an passé, ils gagnent 4-0. Après le match, ils se la racontent, font des signes, Shakira et tout ça. Ils prennent 6-1 derrière. Donc tout le monde se fout de leur gueule et c’est tant mieux. Après ce qui est bien en général c’est que c’est fait pour se faire chambrer. Vous allez chambrer un joueur et cela va être un autre qui va être ridicule, alors qu’il est censé être au top. C’est un sport tellement indécis malgré ce qu’il y a sur le papier que du coup cela prête à la chambre.
A part le PSG contre le Barça, vous avez d’autres exemples ?
Granville-Bordeaux (Le week-end dernier, Bordeaux a été éliminé par Granville un club amateur en Coupe de France ndlr) cela n’existe pas d’autres sports. En Rugby, Une équipe de top 14 contre une équipe de régional, les mecs de régional se font déglinguer. Il n'y a pas ce côté là, passer pour des cons. C’est génial.
C’est cette part d’incertitude qui fait la beauté de ce sport ?
C’est le seul sport de balle où on joue avec les pieds. N’importe quel mec qui sait pas jouer au basket. Il peut avoir un ballon dans les mains, il n’aura pas l’air d’un con. Alors qu’avec un ballon dans les pieds on peut très vite avoir l’air d’un con. Comme avec pour un footballeur qui trébuche sur la balle. C’est beaucoup plus dur de se moquer des autres sports . Sur le basket, j’aurais plus galéré. Au pire, tu mets pas un panier ou ta passe se fait intercepter. Il n’y a pas ce côté ridicule. Le foot c’est une mine d’or pour la déconne.J’ouvre, je vois trois arbitres à poil, la bite à l’air. Les mecs me parlaient normal. Ils discutaient avec moi, « Ah c’est sympa, c’est cool ce que tu fais ». Je me suis dit soit les mecs me proposent un plan soit, soit ils sont sympas.
Quelles sont vos réfèrences ?
Jean Yanne, Coluche surtout et aussi un peu Deproges plus tard. Jean Yanne pour moi c’était quelque chose. J’adorais ce mec. C’est le numéro 1. Quand j’ai commencé à m’intéresser ce sont eux qui sont venus à moi.
L’anecdote qui vous a le plus marqué…
Pas évident, vous me prenez de cour. J’étais à un match Montpellier- Saint Etienne et je croise le sosie en Nicolas Tourriol (le présentateur de J+1), le présentateur Franck Schneider. Ile me dit : « passe nous voir après le match, avec mes adjoints cela nous ferait plaisir de de te voir. » J’arrive et pense les trouver en costume trois pièces. J’ouvre, je vois trois arbitres à poil, la bite à l’air. Les mecs me parlaient normal. Ils discutaient avec moi, « Ah c’est sympa, c’est cool ce que tu fais ». Je me suis dit soit les mecs me proposent un plan soit, soit ils sont sympas. C’était marrant mais sur le coup je me suis dit c’est bizarre. Bon en même temps, avec Montpellier on est pas loin du Cap d’Agde. Quand j’entends certains supporters scander : « L’arbitre à poil ! » et bien moi je l’ai vu.
Twitter est un media ou il ya beaucoup de punchlines. Allez vous souvent dessus. Il y a compte @superjuliencazarre avec des tweets très drôles. Est-ce bien vous sur ce compte ?
Ce n’est pas moi. J’ai aucun compte sur les réseaux sociaux. Je vois les trucs car des potes m’envoient des liens et tout mais moi j’y suis jamais. Je dis pas que c’est pas bien mais j’en ai pas le besoin. Cela m’intéresse pas. Mais c’est bien car cela permet aux gens de s’exprimer. Les gens qui n’ont pas la chance que j’ai moi d’avoir un moyen d’expression. J’ai vu passer des vannes très drôles. Apres avec Twitter, même un mec qui a une punchline très drôle qu’une seule fois ou parce qu’un autre va en prendre le relais. Ce n'est pas facile de pouvoir produire des vannes régulièrement dans un cadre précis.
Retrouvez Julien Cazarre sur Canal Plus dans l'émission J+1.