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Merwane Benlazar : "J'ai toujours secrètement voulu faire du stand-up"

Après avoir pris des cours de théâtre avec l'humoriste Kheiron au collège, Merwane Benlazar se lance dans le monde du stand-up. Il confirme son talent sur les différents plateaux d’humour et participe à la saison 10 du Jamel Comedy Club. Entre anecdotes palpitantes et improvisations maîtrisées, son premier spectacle intitulé Pour la première fois, Merwane Benlazar est à l’affiche du Point-Virgule. Rencontre avec un artiste à l’énergie débordante.

Quand tu étais au collège à Pierrefitte-sur-Seine, tu as pris des cours de théâtre avec Kheiron…

Oui, j’ai commencé les cours avec lui à l’âge de 12-13 ans. Kheiron était éducateur dans notre collège. Son père avait créé une structure qui s’appelait l’AFPAD (Association pour la Formation, la Prévention et l’Accès aux Droits [n.d.l.r]). Dans cette structure, ils avaient monté un projet qui s’appelait Fil Continu. Au lieu de laisser rentrer chez eux les élèves exclus de cours et qu’ils ne fassent rien, ils restaient au collège. Ils allaient dans un atelier et ils réfléchissaient avec les éducateurs à la raison pour laquelle ils avaient été exclus, etc.

Kheiron participait à ces ateliers alors on le voyait souvent dans le collège. Il avait fait le Jamel Comedy Club et Mohamed, un pote à moi, est allé le voir pour lui dire : « Fais-nous des cours de théâtre ». Au début, Kheiron ne voulait pas. Il lui a répondu : « Trouve-moi sept personnes partantes et on le fait » mais en mode : « tu vas jamais trouver... qui a envie de prendre des cours de théâtre à Pierrefitte ? ». Mais nous, on était chauds ! Alors Kheiron nous a dit : « On fait 6 mois et on voit ce que ça donne ». Au final, on l’a fait pendant 5-6 ans !

C'est quel type de prof Kheiron ?

Il était très cool et on n’avait pas l’impression d’avoir un prof mais plus un pote qui nous apprenait des trucs.

Et qu’as-tu appris à ses côtés ?

On faisait beaucoup d’impros. Lui, il avait pris des cours de théâtre au Studio Théâtre de Stains où Navo et Yacine Belhousse étaient aussi. Ils se retrouvaient sur certains ateliers. Logiquement, après Kheiron, j’ai aussi pris des cours d’improvisation au Studio Théâtre de Stains.

Ces cours ont-ils été un déclic pour te lancer dans le stand-up ?

J’ai toujours secrètement voulu en faire. Je ne l’avouais pas trop parce que, comme tous les rêves, c’est un peu secret. Mais quand j’ai vu qu’il y avait une porte qui s’ouvrait, j’ai dit à Kheiron : « J’ai envie d’essayer ». Il m’a répondu : « T’es sûr ? Parce qu’après tu ne pourras plus t’arrêter ». J’avais 16 ans et on jouait au Bordel Club à l’époque, le comedy club que Kheiron animait avec Kyan Khojandi, Seb Mellia et Farid Chamekh. C’est là que j’ai fait ma première scène !

Comment s’est passée cette première scène ?

C’était trop bien ! Avant de faire cette première scène, on s’était réunis avec notre groupe pendant un atelier d’écriture. Kheiron nous avait dit : « Si vous êtes d’accord, on va prendre une vanne chacun et la donner à Merwane pour faire un sketch de 5 minutes ». On était tous d’accord alors on a écrit un sketch ensemble.

Sur le moment, je ne me suis pas rendu compte de ce qu’il se passait. Je me suis dit : « Ça rigole, c’est normal, c’est comme ça que ça doit se passer ». Mais c’est faux, Kheiron avait prévenu le public en disant : « Voilà, c’est sa première scène ». Maintenant, avec du recul, je remarque que, quand on était jeunes, on prenait des applauses sur des jeux de mots mais c’était n’importe quoi [rires]. Et imagine la tête que j’avais à 16 ans ! Les gens devaient se dire : « Mais qui est cet enfant, où sont ses parents ? [rires] Qu’est-ce qu’il fait ici ? ».

Au Bordel Club, il y a très peu d’espace entre la rue et la salle. Alors, quand le premier spectateur rentre dans la salle, le spectacle a déjà commencé.

Après avoir fait ce sketch au Bordel Club, mon but était de le jouer au Paname. Quand j’ai pu y aller, Mohamed et Aminematue (qui est aujourd’hui dans le top 10 des meilleurs streamers de France) sont venus aussi. On jouait au Labo du Rire. Ensemble, on avait ouvert un plateau de stand up à Pierrefitte qui s’appelait le Comedy Gang. C’était tous les mois. On a fait venir Younes et Bambi, Seb Mellia, Ahmed Sparrow. C’étaient des beaux plateaux ! C’était deux balles l’entrée, on faisait ça tous les trois avec des mecs de notre quartier. On était aussi aidés par les services de la municipalité, notamment le service jeunesse.

Tu as ensuite repris le Bordel Club au Théâtre Montmartre Galabru avec John Sulo, Rémi Boyes et Nam…

Oui, on a demandé à Kyan, Seb, Kheiron et Farid si on pouvait reprendre le plateau de ce comedy club et ils étaient ok. J’étais MC avec John, Rémi et Nam. Comme j’avais été aux premiers plateaux du Bordel Club, je voulais refaire comme eux faisaient. Je me rappelle que les gens qui revenaient au Bordel Club et qui avait connu celui d’avant, nous disait : « J’ai retrouvé les mêmes façons de faire la chauffe et les mêmes principes qu’avant ». On était contents !

Au Bordel Club, il y a très peu d’espace entre la rue et la salle. Alors, quand le premier spectateur rentre dans la salle, le spectacle a déjà commencé. On te parle et on te dit : « Viens, installe-toi là ». C’est un délire ! Et c’est hyper convivial. Le principe de chauffe qui existe dans le stand up, n’existe plus. On casse directement le mur, on parle avec les gens qui viennent de rentrer : « Elle est enceinte, faites-lui de la place, mettez-la là, ou non à côté des toilettes ». Tu fais le placement et en même temps, tu rigoles avec les gens.

Qu’aimes-tu dans le rôle de MC ?

J’aime autant le rôle de MC que juste faire un passage ou jouer mon spectacle ! Mais être MC m’a permis de m’ouvrir plus de portes parce que tout le monde n’est pas à l’aise pour faire la chauffe, accueillir les gens, interagir etc.

A un moment, j’étais bloqué et je n’arrivais plus trop à écrire. Je me suis dit qu’il fallait quand même que je continue à avancer. Alors j’ai bossé l’aspect impro, les interactions avec les gens, ce que les Canadiens appellent le crowd work, le travail de foule. Je me suis dit : « Bosse ça, c’est sûr que ça va te servir ». Et ça m’a servi ! Par exemple, quand Gad m’a appelé pour présenter son plateau, c’est parce qu’il avait vu que j’étais à l’aise dans cet exercice.

Tu as fait la saison 10 du Jamel Comedy Club. Que retiens-tu de cette expérience ?

C’était incroyable ! Lorsqu’on a demandé à Kheiron de nous donner des cours de théâtre, c’était parce qu’on l’avait vu dans ce comedy club. Quand tu commences dans le stand up, tu espères pouvoir faire le Jamel Comedy Club. Et si tu y arrives, tu te dis : « Mais c’est incroyable… ». Tu ne réalises pas ce qu’il se passe.

On était tous super contents. Cette année, il y avait Sami Ouladitto, Paul Mirabel, Rey Mendes, … on était tous potes de base donc c’était magnifique !

https://twitter.com/i/status/1211323727742488578

Tu joues en ce moment ton spectacle intitulé Pour la première fois, Merwane Benlazar au théâtre du Point-Virgule. Quel accueil t’a réservé le public ?

Magnifique ! Pour l’instant, je suis très content que, malgré le coronavirus, on arrive à jouer. Avant le Covid, on a eu que du complet donc j’espère qu’on sera complets après aussi. Et pour le moment, j’ai l’impression que les gens sont contents. Sur BilletReduc on a 100% de 10/10, ce qui correspond à « Bravo » [rires]. J’ai les 5 étoiles, je suis le meilleur uber de l’humour [rires].

https://www.facebook.com/MerwaneStandUp/videos/pour-la-premi%C3%A8re-fois-au-point-virgule/187019835693762/

Peut-on dire que ton humour est basé sur le storytelling ?

C’est vrai qu’il y a beaucoup de storytelling dans le spectacle. Il est découpé en plusieurs histoires. J’essaie d’amener des points de vue différents à chaque fois, des choses qui peuvent parler à tout le monde à travers ce que je vis personnellement.

Pourquoi as-tu choisi de faire essentiellement du storytelling ?

Je n’ai pas choisi. Au début, quand j’ai commencé le stand up, j’avais certains exemples ou références, et j’essayais d’aller dans le même sens. Quand on prenait des cours avec Kheiron, il nous montrait beaucoup Chris Rock, Jerry Seinfeld et Dave Chappelle. C’était incroyable. Quand tu es au collège et qu’on te montre ces humoristes, tu pars sur de bonnes bases. Je me disais qu’il fallait réussir à écrire comme eux alors que c’est impossible, ils sont trop forts.

C’est comme dans Harry Potter, quand ils disent : « La baguette choisit son sorcier ». En humour, c’est pas toi qui choisis non plus. Un jour, je me suis dit : « Tiens, cette histoire est drôle, il faut que je la raconte sur scène ». Et je me suis rendu compte que j’avais beaucoup plus de rires quand je racontais des histoires. Je me suis dit : « Moi, mon truc, c’est peut-être de raconter des histoires ». Et surtout, je m’amusais plus en faisant ça. La baguette avait choisi son sorcier.

Tu improvises aussi beaucoup sur scène et tu réponds du tac au tac aux spectateurs, ce qui demande une grande aisance. As-tu toujours été à l’aise dans cet exercice ?

Quand j’ai débuté la scène, j’étais un enfant donc il y a toujours eu de l’insouciance. Je me suis toujours dit : « De toute façon, les gens sont là pour rigoler ». Quand j’ai commencé à interagir avec le public, je me suis rendu compte que mon cerveau trouvait les vannes avant moi. Des fois, je rigole sur scène parce qu’après avoir fait la vanne, je me dis : « Ah ça, c’était drôle ! », comme si ce n’était pas moi qui l’avait écrite [rires].

Tu disais dans le podcast L’After Underground que lorsque tu es sur scène, « il faut juste parler à plein de gens comme si c’était une seule personne ». Est-ce un conseil que tu donnerais à tous les stand-uppers ou est-ce qu’il te correspond juste à toi ?

Je ne pense pas qu’il y ait quelque chose de général qui s’applique à tout le monde. Je pense qu’il faut que chacun trouve sa façon de travailler. S’il y avait une formule qui fonctionnait pour tout le monde, on la connaîtrait et on serait tous très riches et célèbres ! Ça a marché pour moi et peut-être que ça peut marcher pour d’autres !

Ton spectacle s’ouvre avec la chanson Silhouette de Kana-BOON, pourquoi avoir choisi cette musique pour ton entrée ? 

Je la trouve stylée. C’est un opening de Naruto et j’aime bien son histoire, celle d’un mec que personne ne calcule au début parce qu’il a un démon en lui. Mais à la base, s’il a ce démon c’est pour sauver le village. Il n’y peut rien lui, c’est pas son choix. Il est mis à l’écart et rejeté pour quelque chose qu’il n’a pas choisi. Au final, il arrive à être accepté et respecté par tout le monde par ce qu’il fait. Notamment, par son travail, ses efforts ou son dévouement pour le village. Grâce à ses efforts, il arrive à annuler une chose sur laquelle il n’avait aucun pouvoir au départ.

Quand on prenait des cours avec Kheiron, il nous montrait beaucoup Chris Rock, Jerry Seinfeld et Dave Chappelle. C’était incroyable.

A la fin du spectacle, j’ai mis la musique Hyori Ittai de Yuzu. Cette chanson est intéressante pour la traduction. Les paroles en japonais veulent dire : « Se reposer le matin, donner tout le soir, c’est ce qu’on fait de nos vies ». Et je me suis dit : « Wouah mais ça colle trop bien avec moi » [rires].

Tu regardes beaucoup d’animés. Quelle découverte récente aimerais-tu faire partager ?

Baki. C’est l’histoire d’un mec, (Baki Hanma [n.d.l.r]), un champion d’arts martiaux, un peu de rue. Il se retrouve confronté à cinq criminels super dangereux qui viennent d’être libérés et qui n’ont jamais connu la défaite. Ces criminels sont envoyés au Japon. Ils se baladent dans la rue et ils croisent Baki Hanma et quatre autres champions d’arts martiaux. Y’a zéro dialogue. Juste ils se croisent, ils se disent : « trouvons un endroit dégagé » et ils se la donnent. C’est tout [rires]. C’est que des combats. Et ça m’éclate. Quand tu veux éteindre ton cerveau 20 minutes, tu regardes un épisode. C’est vraiment n’importe quoi.

Les créateurs voulaient mettre Mohamed Ali dans le manga mais ils se sont dit qu’il était vieux et qu’il avait Parkinson, alors ils ont inventé un personnage qui s’appelle Mohamed Ali Junior. J’aime trop parce que c’est des mecs qui vont à fond dans leur délire. Ils ont pensé : « on veut que de la bagarre ». Et ça marche bien ! Je le regarde au second degré et ça me convient.

Quels sont tes projets pour la suite ?

J’aimerais bien continuer à jouer mon spectacle au Point-Virgule et l’objectif, ce serait de le jouer à l’Européen. Pour moi, c’est la meilleure salle de stand up à Paris.

Pour finir l’interview, Sami Ouladitto nous a teasé une petite anecdote sur toi. Apparemment, tu aurais mis une retournée acrobatique en plein match de foot…

[rires] Je suis très nul au foot. On était au Five, un terrain de foot en salle dans lequel il y a des caméras. Et Amine a twitté la vidéo, elle est honteuse. C’est la vidéo de moi qui a fait le plus de vues, je vais la retrouver ! [Il me montre la vidéo, Merwane est goal]

https://twitter.com/aminematue/status/1057596965444304898?s=21

Je crois que c’est la galipette qu’il appelle le retour acrobatique. Un peu honteux mais j’accepte.

Merci à Merwane Benlazar d’avoir pris le temps de répondre à nos questions. Vous pouvez suivre toute son actualité sur sa page Facebook et Instagram.

©Crédits photos : @everythingisjpg

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