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Paul Mirabel : "je me réfugie beaucoup dans le travail"

Avec plus de 15 millions de vues pour son sketch au festival de Montreux, l’humoriste Paul Mirabel a conquis le public. Depuis quelque temps, on le retrouve aux côtés de Nagui dans La Bande originale sur France inter où il officie en tant que chroniqueur radio. Interview de ce jeune artiste talentueux .

Tu as fait des études de commerce à Paris…

Après mon bac, je savais que je voulais faire du stand up mais je ne savais pas comment il fallait s’y prendre. Je suis parti de Montpellier pour aller vivre à Paris. J’ai fait une école parce que c’est ce que tu fais quand tu ne sais pas trop quoi faire et j’ai commencé le stand up à ce moment-là.

J’ai dû arrêter parce que je suis parti à l’étranger, trois mois aux Etats-Unis et six au Brésil. Sur le papier ça a l’air cool, j'ai vécu des bons moments mais aussi de longs moments seul, à regarder des films toute la journée, à ne rien faire. Je voyais les potes que j’avais rencontrés en France faire du stand up à Paris et je nourrissais un peu une frustration. Je me suis dit : « quand je rentre, il faut vraiment que je fasse ça aussi ».

Et tu as suivi le Cours Florent. Que t’a apporté cette formation ?

Le cours Florent était partenaire avec mon école et ils ont aménagé mon emploi du temps pour que je puisse faire les deux. C’est à ce moment que j’ai commencé à jouer. J’ai fait deux ans de théâtre. Et c’est une des meilleures choses qui me soit arrivée.

Cette formation m’a permis de faire du stand up de manière plus agréable. Je suis encore très timide mais avant ma timidité était un peu gênante en société, c'était un petit handicap. Pour mes premières scènes, l’exercice n’était pas du tout d’être marrant, parce que je savais que je pouvais faire rire, mais c’était surtout de monter sur scène devant des gens, d’apprendre un texte par cœur.

Faire du théâtre était quelque chose de difficile pour moi. Quand tu fais du stand up, le texte est écrit par toi alors si tu te trompes, ça ne se voit pas. C’est toi qui es marrant et c’est toi qu’on voit. Au théâtre, tu vas avoir un texte qui a été écrit par quelqu’un d’autre, donc si tu le fais mal ça se voit direct. 

Ça m'a aussi permis de casser la barrière de la honte, parce qu’on m’a mis dans des situations d’inconfort. Par exemple, j’ai dû réciter Molière devant toute une classe en caleçon. Avant quand je jouais, je prenais vraiment conscience des gens alors que maintenant qu’il y ait quatre ou deux mille personnes, c’est comme si j’étais dans une bulle et qu’il n’y avait personne autour.

J’ai eu de la chance aussi parce que j’avais une prof très dure. En deuxième année, tu devais apprendre deux monologues et les jouer devant la classe à la rentrée. Mais de mars à fin août, j’avais bossé tous les jours pour me faire un peu d'argent chez Abercrombie sur les Champs. Comme je n’avais pas eu de vacances, j’avais juste pris un week-end à la plage avec un pote à la fin de l’été. Je m’étais dit : « vas-y, j’apprendrai le monologue vite fait à la plage, j’arriverai en cours, je ferai un grand sourire et ça va passer ».

Le premier jour, je me retrouve dans une classe de personnes particulièrement douées. Les autres passent et la prof leur dit juste « c’est bien » ou « bosse ça ». Arrive mon tour. Je monte sur scène et je me dis : « ça va aller, je vais faire deux-trois blagues et ça va le faire ». Elle me regarde avant que je commence et elle me dit : « ça va ? ». Je lui réponds « oui ». Et là elle me fait : « bah tu sais quoi, on dirait pas ». Donc je me prends un petit coup. Elle me demande ensuite : « t’as joué quoi l’an dernier ? ». Je lui cite les pièces que j’ai faites, qui étaient essentiellement comiques. Et elle me dit : « ah ouais, parce que t’es marrant toi ? ». Après elle me demande : « est-ce que t’allais au théâtre l’an dernier ? ». A ce moment-là, je commençais déjà un peu à jouer le soir donc je n’y allais pas trop. Je lui réponds que non. Et elle me fait : « ah bah ça se voit que t’y vas pas souvent ». Je me prends un gros moment de solitude devant toute ma classe dès le premier cours. 

Je commence à réciter mon texte et au bout de dix secondes, elle me stoppe en me disant : « non tu t’arrêtes, c’est pas du travail, retourne travailler ». Donc la première impression que les gens de ma classe ont de moi au bout de 15 minutes, c’est un mec qui arrive et qui n’a pas du tout travaillé. J’en n’ai pas dormi de la nuit, je pensais à ce qu'elle m'avait dit.

A partir de ce jour-là, je suis arrivé à ses cours, une demi-heure en avance, textes appris par cœur. Elle m’avait fait peur. A tous les cours j’avais peur mais je me battais pour vaincre ça. Du coup, j’étais le seul de la classe qui connaissait ses textes par cœur et qui était tout le temps à l’heure. Elle m’a appris à avoir une exigence et une rigueur de travail que je garde maintenant. Quand je fais une scène, j'arrive et je suis préparé. 

Quelle a été la réaction de tes proches lorsque tu leur as dit que tu souhaitais te lancer dans le stand up ?

Je t’avoue que je l’ai fait avant de le dire. Aucun de mes amis ne m’a dit que c’était une mauvaise idée. J’ai toujours aimé les spectacles et j’en regarde beaucoup. Avec mes potes, on se fait tous rire. C’est pas comme si j’avais dit : « je veux tout plaquer pour me mettre dans les sports de combat ». Ils m’auraient sûrement répondu : « bon c’est peut-être un peu éloigné de ta personnalité » [Rires]. Mes amis m’ont beaucoup soutenu, encore maintenant.

Ma famille m’a soutenu aussi. Mais ce qui m’a aidé, c’est que ma mère ne m’a jamais dit que c’était un métier faisable. Elle me disait : « si ça te plait, fais-le à fond mais continue les études aussi parce qu’on ne sait jamais, c’est dur comme métier ». 

Je n’ai jamais mis de plan B sur les études et en étant dans le stand up maintenant, je me dis que c’est impossible qu’un jour je fasse autre chose dans la vie. 

Quand tu te lances dans le stand up, c’est compliqué aussi d’expliquer le système de plateaux. Il y a beaucoup de gens qui ne savent pas ce que c’est, notamment ceux qui ont l’âge de nos parents. Leur dire que des personnes viennent voir un spectacle gratuit, boivent un verre, donnent au chapeau à la fin, et que toi, tu vis un peu de ça, c’est difficile. Mais comme j’ai vite joué sur des grandes scènes comme l’Olympia en première partie, c’est devenu tout de suite plus concret. 

Tu as fait les premières parties de Fary et de Roman Frayssinet. Quel souvenir gardes-tu de ces passages sur scène ?

C’était cool comme période. C’était en été, vers mai-juin, il faisait beau et je finissais les cours en juillet. Fary et Roman m’ont contacté au même moment. Faire leurs premières parties m’a appris l’exigence et le haut niveau. 

Ils ont un public qui attend leur spectacle depuis longtemps, les gens ont payé cher pour les voir. Et ils nous offrent la chance de nous mettre en première partie. C’est pour faire ta pub. Ça m’a d’ailleurs apporté un peu de visibilité et ça m’a aidé à remplir ma salle. Mais c’est aussi pour que, lorsqu’ils arrivent sur scène, les gens soient conditionnés à voir de l’humour.

Tu reviens du festival de Montreux (Suisse) qui a eu lieu il y a deux semaines. Comment ce festival s’est-il passé ?

C’était trop bien ! C’était la première fois que je partais avec d’autres humoristes et ça faisait un peu colonie de vacances. Tu revois les potes mais ailleurs. C’était mon premier Montreux aussi et ça s’est bien passé, c’est un super bon souvenir. Tout le monde était bienveillant, l’hôtel était fou, le cadre extraordinaire.

Je joue beaucoup en ce moment. Je fais deux ou trois plateaux par soir. Donc là, juste de jouer mais en étant ailleurs, ça m’a permis de couper un peu.

 

Tu te décris comme quelqu’un d’anxieux. Comment parviens-tu à surmonter ton stress avant de jouer sur scène ?

Maintenant je ne stresse plus autant, alors qu’au tout début, quand je bookais des scènes sur Facebook, que j’envoyais un message en demandant si je pouvais venir jouer à tel endroit à telle heure et qu’on me répondait oui, je commençais déjà à être un peu nerveux. Et pourtant, l’événement était dans trois semaines ! Avec le recul, je ne sais pas comment je faisais pour surmonter ça... c'est horrible parce que c'est au début que c'est le plus dur, c'est le moment où tu es le plus nul.  

Aujourd’hui c’est plus comme une drogue ou de l’excitation, du bon stress. Il y a des jours où je suis hyper fatigué ou malade, mais sur scène j’oublie tout. 

As-tu un rituel avant de monter sur scène ?

Comme je marche pour aller au théâtre, j’aime bien me réciter le texte en écoutant de la musique. Je n’aime pas dire un texte pour la première fois quand je suis sur scène. Je bois une gorgée d’eau aussi juste avant, je pense que c’est une sorte de toc parce qu’une fois je suis monté sur scène, j’étais déshydraté et c’était difficile.

Dans ton spectacle, tu dis : « si je deviens consultant, le meilleur conseil que je puisse donner à quelqu’un, c’est d’aller consulter quelqu’un d’autre ». Et toi, quel est le meilleur conseil que l’on t’ait donné ?

Je t’avoue qu’on ne m’a pas trop donné de conseils. Mais je pense que quel que soit le domaine, il faut faire un truc qui te plaît. Comme je joue beaucoup, je suis un peu déconnecté, et je me rends compte que c’est devenu normal pour moi de faire quelque chose que j’aime. Mais quand tu parles avec des gens qui ne font pas quelque chose qui leur plaît, ça te renvoie à la réalité.

En faisant du stand up, je me suis rendu compte qu’il faut beaucoup travailler. Ecrire, répéter et jouer tous les jours.

Je me réfugie aussi beaucoup dans le travail parce que c’est un métier où tu peux vite avoir des frustrations, des jalousies. Je n’ai jamais trop eu ça, ou peut être au début, mais ça s’est vite arrêté. Passer du temps à travailler ton art te permet de t'occuper l'esprit, de progresser et de te perfectionner. Je pense que c'est un match entre toi et toi-même.

La première chose à laquelle je pense quand je me lève c’est : « aujourd’hui, il faut que je trouve de nouvelles blagues ». Le matin j’écris beaucoup et je répète l’après-midi donc mes préoccupations c’est de savoir si j’ai été meilleur que la veille. 

Tu écoutes beaucoup de rap. Te souviens-tu du premier morceau que tu as écouté ?

Oui, je m'en souviendrais toute ma vie. J’étais en classe verte, et je n’avais trouvé personne avec qui me mettre dans les chambres. Je m’étais retrouvé attribué dans une chambre avec deux gars qui étaient meilleurs amis. Ils ne me voulaient pas dans la chambre et ils étaient un peu deg que je sois là. Ils étaient tous les deux fans de basket et de rap West Coast. Ils avaient ramené une grosse enceinte et ils ont mis Still D.R.E (Dr. Dre ft. Snoop Dogg [n.d.l.r]) à fond. J’ai le souvenir d’avoir fait : « wouah… qu’est-ce que c’est ça ? ». Quand je suis rentré chez moi, j’ai téléchargé plein d’albums de rap. Pour moi, je savais qu’il y avait Booba dans le rap, alors j’ai téléchargé tous ses albums. Et après, j’ai plus jamais lâché, j’ai passé des heures à chercher des sons. C’est ma grande passion et ma source de motivation.

Et quel est le dernier son de rap que tu as écouté ?

En venant, j’ai écouté le dernier son du deuxième album de Nekfeu (Cyborg [n.d.l.r]), Nekketsu. Ça m’évoque la période à laquelle l’album est sorti, c'était en 2016, à Noël...

Ce qui est cool aussi, c’est de se rendre compte que tu écoutes des sons trois ans après et que ça n’a pas bougé. J’aimerais bien avoir ça avec les blagues. Si Nekfeu écoute ses anciens sons maintenant, il peut se dire que c’est nul parce qu’il a progressé mais il peut aussi se dire que ça n’a pas mal vieilli.

Retrouvez toute l'actualité de Paul Mirabel sur son compte Insta et Facebook. Pour écouter ses chroniques radio, rendez-vous sur le site de France Inter. 

Crédits photos : Svendandersen et Laura Gilli

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