C'est un peu par hasard que cet ancien consultant dans la production cinématographique découvre la scène. Un véritable coup de foudre qui mène Avril à se lancer dans le stand up. L'humoriste joue en ce moment son spectacle C’était mieux maintenant au Théâtre Le Métropole et vient tout juste de sortir son premier roman : L'Omphalos. Rencontre avec un stand uppeur prolifique de la nouvelle génération.
Pourquoi souhaitiez-vous faire du stand up ?
J’ai commencé des cours du soir de one man parce que je voulais sortir de la routine, me faire des copains et vaincre ma timidité. J’ai toujours eu du mal à m’exprimer devant des groupes. Mais quand je me suis inscrit à ces cours, je n’avais aucunement l’intention de me lancer dans l’humour. C’est arrivé un peu par hasard.
J’avais écrit un sketch sur un prof d’université qui donne un cours sur l’impuissance masculine. Je le joue devant ma prof qui me dit que je devrais le faire au théâtre Saint-Georges dans le cadre d’une de leur soirée. J’arrive au théâtre, 400 personnes. Ce soir-là, je crois que je n’ai jamais aussi bien marché. J’avais l’impression que tout était possible. Je devais faire un passage de 6 minutes, j’en ai fait 11 ! Les minutes en plus, c’était juste du silence/des rires. A ce moment-là, je me suis dit que c’était vraiment ce que je voulais faire.
Derrière, j'annonce à mon boss que je quitte mon taf et comme je ne sais pas par où commencer, je m'inscris à quelques scènes ouvertes. La 4ème, c'est l'openmic du Laugh Steady Crew organisé par le metteur en scène Thierno Thioune (Haroun, Marina Cars). Je co-gagne avec Pierre Metzger, Thierno m'embarque dans son délire, je découvre le stand-up et un an plus tard je lance mon premier spectacle.
Avez-vous réussi à vaincre votre timidité en faisant de la scène ?
Maintenant, je peux parler devant 5 ou 200 personnes sans aucun problème. Et même, j’aime bien ! Je suis toujours anxieux et stressé avant chaque scène mais il y a de moins en moins de symptômes physiques. Quand j'ai commencé le stand up, j’avais des nausées quatre jours avant une scène. Puis j'ai appris que Jacques Brel vomissait avant chaque concert et ça m'a aidé : je me suis dit que c'était possible d'avoir autant d'anxiété et d'être quand même fait pour ça. Aujourd’hui, j’ai juste une boule au ventre et je me dis que je ne vais pas les faire rire. Mais seulement 20 minutes avant de monter sur scène.
Je pense que plus tu joues, plus tu prends confiance. On a peur parce qu’on ne croit pas assez en sa capacité de faire rire les gens. Mais quand ça fait 100 fois que tu y arrives, tu te dis qu’il n’y a pas de raison que ça ne marche pas cette fois-ci. Quand j’ai commencé le stand up, c’était 50% de bides et aujourd’hui, c’est seulement 3% donc ma peur a diminué.
Le titre de votre spectacle - C’était mieux maintenant - est souvent mal orthographié par les programmateurs de festival ou les journalistes… Pourquoi avoir choisi ce titre ?
J’ai eu plusieurs fois : « c’était mieux avant » … mais il n’y a plus de blague ! Je ne suis pas nostalgique du passé mais le futur et ce qui peut arriver prochainement m’inquiètent aussi. Et surtout, je suis très angoissé par l’injonction : « il faut profiter de l’instant présent » dans laquelle je crois mais que j’ai du mal à mettre en pratique. Ça demande un lâcher prise, une cessation de l’activité cérébrale. Quand je suis sur scène, c’est un des seuls moments où je profite de l’instant présent. Je me sens bien parce que mes pensées parasites et toutes ces choses qui m’empêchent de profiter s’en vont. A l’inverse, si je ne suis pas dans l’instant présent sur scène, je bide.
Je suis très angoissé par l’injonction : « il faut profiter de l’instant présent »
Le temps est une des thématiques récurrentes de votre spectacle…
Oui, c’est un des thèmes principaux. Mais honnêtement, pour mon style d’humour, le fond n’est pas très important. C’est juste un fil directeur, une manière d’habiller le spectacle. Je me concentre plus sur la forme qui m’intéresse davantage. Je n’ai pas de sujets que je veux traiter en particulier. Je prends une idée, j’essaie de l’étirer et de la présenter ensuite de façon cohérente. Tout ce qui est politique, société, opinions personnelles, je les garde pour d’autres formats. Une chronique audio par exemple.

Vous vous définissez comme un centriste radical. Quel est ce nouveau parti ?
J’ai l’impression que plus j’en sais sur un sujet, moins j’ai d’avis dessus. D’un côté, je comprends tout le monde et je suis d’accord avec tous et toutes. Je crois que le monde est complexe et nuancé, et que tous ceux qui arrivent avec des réponses simples font fausse route. Comme tout est compliqué dans ma tête, je suis obligé de croire que le monde est complexe aussi, sinon ça voudrait dire que je suis malade. Mais au final, c’est peut-être une manière de me rassurer [rires].
On a peur parce qu’on ne croit pas assez en sa capacité de faire rire les gens
Lorsque l’on tape Alexandre Avril sur internet, on tombe sur un de vos homonyme qui est politicien. Qui a déclenché le conflit entre vous deux ?
Clairement moi. Un jour, un ami m’envoie une vidéo du maire de Salbris, Alexandre Avril, qui parle sur CNEWS. Je trouvais drôle que deux Alexandre Avril veuillent percer, chacun à leur manière. Lui dans la politique, moi dans l’humour. Ça m’amusait de lancer une pseudo rivalité avec un mec qui n’a rien à voir avec moi. Je le tacle souvent dans mes stories, et notamment son parcours Sciences Po/l’ENA. Mais il s’en fiche, il n’a jamais répondu. Je ne sais même pas s’il a vu. C’est un conflit que je fais artificiellement exister.
Après les homonymes, place aux sosies. Parmi tous ceux que l’on vous a envoyés, lequel vous ressemble le plus ?
Aucun. Dès que je rencontre quelqu’un, on me dit : « Tiens, c’est marrant, tu me fais trop penser à mon frère, mon père, mon oncle, mon papi, ma cousine … ». J’ai tout eu. Alors, je ne sais pas si ça veut dire que j’ai la tête la moins originale du monde ou que je touche l’universel mais je rappelle quelqu’un à toutes les personnes que je croise. Maintenant, je fais des sondages insta avec les photos des « sosies » que les gens m’envoient. Bon j’avoue que la seule photo où j’ai vu une petite ressemblance, c’est celle du mec qui coupe des oignons.
Vous avez joué votre spectacle à La Petite Loge, le plus petit théâtre de Paris. Maintenant, vous êtes au théâtre Le Métropole. Qu’est-ce qui a changé ?
Changer de salle m’a permis d’avoir plus d’espace. Sur scène, j’ai besoin de bouger. Une de mes seules références humoristiques, c’est Jim Carrey. Quand j’étais petit, j’étais fasciné par lui. J’avais tous ses films en cassettes. Je le trouve brillant, fou. C’est à la fois un enfant et un adulte. Dans mon jeu, je sens que, lorsque je suis sur scène, il y a quelque chose qui doit passer par le corps. Comme chez Jim Carrey.
Plus j’en sais sur un sujet, moins j’ai d’avis dessus
Quand j’ai commencé le stand up au Laugh Steady Crew, j’étais derrière un micro, je ne bougeais pas, comme Blanche Gardin que j’aime aussi beaucoup et que je voulais un peu imiter. Mais j’avais envie de me déplacer sur scène ! La Petite Loge, c’était un super apprentissage. C’est un espace tellement petit que j’ai pu tout condenser. Et dès que j’ai été dans une salle plus grande, tout est sorti. Dans mon spectacle, je vais d’un bout à l’autre de la scène. Je suis trop hyperactif pour rester sur place.
Thierno Thioune, mon metteur en scène, prône le lâcher prise et le clown, ce qui implique de revenir à ton toi fondamental. Son discours, c’est : « Ecoute-toi, vas au bout de ce que tu veux faire, de ta folie. Ne te mets pas de barrière, ne te retiens pas, ne te demande pas ce que les gens vont penser ». J’adore travailler avec lui.
Vous avez créé un blog, Carnets d'Avril, lorsque vous avez commencé le stand up. Qu’est-ce que cet espace d’expression vous permet ?
J’adore écrire et j’ai envie de garder des souvenirs de ce qu’il se passe, de pouvoir relire ces textes dans 30 ans. Je n’ai aucun problème à me livrer intimement sur mon évolution dans le métier. C’est un milieu difficile et je pense qu’un peu de transparence sur les difficultés que tu peux rencontrer peut, peut-être, aider d’autres personnes. J’aimerais bien qu’un.e autre stand uppeur.reuse donne à lire son évolution artistique. Je pense que ça m’aiderait. Personnellement, ça me rassure quand les gens me disent de ne pas m’inquiéter, que ça va bien se passer, etc.
La scène n’a jamais cessé de me manquer
Quels sont vos projets futurs ?
J’aimerais prendre le temps. Même si je suis très impatient, un défaut incompatible avec une carrière artistique et contre lequel j’essaie de lutter. J’ai commencé le stand up il n’y a pas si longtemps et je suis déjà très content de là où j’en suis pour le moment. Et puis, je suis très bien entouré. Je travaille notamment avec Thierno Thioune et Pierre Metzger. Chaque mois, j’ai l’impression de progresser. Donc je n’ai aucune raison de me précipiter. Une personnalité scénique est longue à construire alors je veux juste me laisser le temps d’affiner ce que je souhaite et compléter ma technique.
Pour suivre l'actualité d'Avril, rendez-vous sur sa page Insta, Facebook et sa chaîne YouTube. L'humoriste joue tous les mardis soirs au théâtre Le Métropole son spectacle C'était mieux maintenant. Son premier roman, L'Omphalos (éd. Forgotten Dreams) est sorti mi-novembre. Et retrouvez son journal de bord : Carnets d'Avril.

©Photo de couverture : Audrey Knafo Ohnana