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Rencontre avec Édouard Deloignon : « J’aime les imprévus, comme dans ma vie »

Originaire de Rouen, Edouard Deloignon a d’abord été entraîneur de basket et animateur au Club Med. En arrivant à Paris, il se lance dans le théâtre et s’inscrit au Cours Florent. Il découvre alors l’art du jeu, l’improvisation et surtout, la comédie. Dans son nouveau spectacle, Edouard Deloignon grandira plus tard, l’artiste revient sur ses années de galère en tant que jeune comédien. Rencontre avec un pro de l’impro.  

Quelle a été votre première rencontre avec l’humour ?

Quand j’avais 10 ans, mes parents ont acheté le DVD du spectacle Pour toi public de Franck Dubosc. C’était plein de petits sketchs. Je les connaissais par cœur. C’est aussi le premier spectacle d’humour que je suis allé voir. J’avais 15 ans. Franck Dubosc jouait au Zénith de Rouen. Il est aussi Normand alors il faisait des blagues sur la Normandie. On était comme des fous. 

Dans votre spectacle, vous expliquez que Noël a toujours été un prétexte pour se déguiser…

Depuis que je suis petit, on se déguise en fonction d’un thème tous les réveillons. Ça fait déjà 15 ans. Mon oncle et ma tante avaient lancé cette idée et puis, tout le monde s’est ensuite motivé pour organiser des Noëls chacun son tour avec un thème différent à chaque fois. Même à 90 ans, mes grands-parents se prennent au jeu et se déguisent ! On a notamment fait les thèmes croisière, cinéma, Las Vegas, …

Vous avez travaillé au Club Med, quel souvenir retenez-vous de ces années ?

Ça m'a aidé à grandir. Quand j’ai commencé à travailler là-bas, j’avais 20 ans. J’avais déjà été animateur mais cette fois-ci, j’étais responsable des ados. De A à Z. Quand tu as 20 ans et que tu n’as rien vécu, c’est difficile d’être responsable de 40 gamins. Les parents ont payé une certaine somme, ils ont envie d’être tranquilles et ils attendent que leurs enfants kiffent leurs vacances. S’ils ne voient pas leur gamin, ça veut dire que ça se passe bien. D’ailleurs, le meilleur compliment que les parents peuvent te faire est : « Je n’ai pas vu mon ado de la semaine, c’est génial ! »  [rires]. 

A Paris, vous suivez le Cours Florent. Comment s’est passée votre arrivée dans cette ville ? 

Je me suis retrouvé dans un monde que je ne connaissais pas. Je rencontrais des gens blindés au cours Florent, des mecs de mon âge qui ne partageaient pas du tout la même culture. Ils me sortaient des bails comme : « Ah ouais Dostoïevski, c’est génial ! ». Et moi, je demandais : « Mais frère, c’est qui Dostoïevski ? »

 

© Emilie Cayuela

Qu’avez-vous appris au Cours Florent ? 

Je n’avais jamais fait de théâtre. Je n’avais jamais lu de pièce non plus. J’ai découvert Molière, Shakespeare, … et des auteurs qui ne m’intéressaient pas aussi [rires]. Cette formation m’a aidé à me sentir mieux sur scène, à avoir plus d’aisance, à oser. Je voulais apprendre tout ce que je n’avais jamais fait. J’ai donc travaillé beaucoup de choses différentes pour savoir ce que j’aimais ou non. D’ailleurs, j’ai découvert que je voulais faire de l’humour de cette manière. 

Le Cours Florent m’a aidé à me sentir mieux sur scène et à avoir plus d’aisance

Début d’année, premier cours avec Suzanne Marrot. Je joue le rôle d’une pièce contemporaine. Je dois annoncer la mort d’un personnage. J'interprétais souvent des rôles « graves » au Cours Florent, des choses que je ne savais pas forcément faire. A la fin, Suzanne Marrot me dit : « Eh bien Edouard, c’était très bien mais tu ne veux pas faire des choses marrantes ? » Je lui demande pourquoi et elle me répond : « C’est ton truc, ça se voit. Fais ce qui te correspond ! ». En 5 minutes, elle avait compris. 

J’ai mis du temps à me l’avouer mais je crois que ça faisait partie de moi depuis toujours. J’ai toujours aimé faire le con, que ce soit avec mes potes, au Club Med, ... Mes amis me disaient que j’étais fou, ils étaient terrifiés à l’idée de danser dans la rue par exemple. Je croyais que tout le monde en était capable. En fait, non. Je ne m’en rendais pas compte. Avec cette prof, j’ai eu un premier déclic. Elle me disait : « Toi ta vie, c’est faire le con ». A partir de ce moment-là, j’ai commencé à faire des choses complètement différentes. 

Vous souvenez-vous de votre première scène ?

En troisième année, je participe au tournoi d’impro : le FIT (Florent Impro Tour). On est par équipe, on joue avec le public et un jury nous note. Au cours Florent, j’étais très timide et j’avais du mal à me mouvoir dans l’espace. Mais sur cette scène, je me découvre enfin. Je me rends compte que je suis très à l’aise en impro. C’est aussi la première fois que je fais rire sur scène. Après le tournoi, j’appelle mes parents pour leur dire que je suis vraiment sûr de vouloir être humoriste. Ils me soutiennent, comme toujours. Quand j’ai dit que je voulais faire le Cours Florent alors que je n’avais jamais fait de théâtre, qu’il fallait payer 400 euros par mois, trouver un appartement à Paris, ils m’ont simplement répondu : « Ok ».

J’ai déjeuné avec Jean-Claude Van Damme

Second déclic : je joue dans Cendrillon de Joël Pommerat, un auteur contemporain qui avait réécrit le conte. Je n’interprète pas Cendrillon malheureusement mais son beau-père. De nouveau, j’arrive à faire rire la classe ! C’est vraiment génial : toutes ces choses que je fais pour faire marrer mes potes marchent finalement aussi bien sur scène. Pendant longtemps, je m’en étais empêché au théâtre parce que je me disais qu’il fallait que je joue. 

Au cours Florent, vous dites avoir adoré l’improvisation. Qu’est-ce que vous aimez dans l’art de la répartie ?

J’aime les imprévus. Comme dans ma vie. Dans mon spectacle, j’avais aussi envie qu’il y ait ces moments inattendus même si le show est cadré. Quand je pose une question au public, c’est prévu mais après, je ne sais jamais ce qu’il va se passer. 

J’ai aussi appris l’improvisation dans les comedy clubs à Paris. Parfois, les gens sont bourrés, ils n’ont pas envie de t’écouter alors tu es obligé de leur parler. Mais au début, c’est difficile. Quand j’ai commencé à jouer en comedy clubs, j’étais très « théâtre » avec cette idée de quatrième mur. Si la lumière était allumée, c’était horrible :  je voyais les gens s’ennuyer ou parler. Quand tu commences à jouer, tu peux te retrouver parfois devant six personnes donc tu entends ce qui se dit. Mais à force d’entrainement, tu apprends à rebondir en fonction des réponses. 

 

Dans votre spectacle, vous parlez aussi de vos galères en tant que jeune comédien. Quelles difficultés avez-vous rencontrées ?

L’oseille [rires]. Mes parents sont artisans. Je n’ai jamais été dans la vraie galère, parce qu’ils m’ont aidé financièrement, je les remercie d’ailleurs ! Mais quand je suis arrivé à Paris, je vivais dans un 10 mètres carré comme beaucoup d’autres comédiens. Je n’avais pas d'intermittence, pas de RSA, j’étais pion dans un lycée à mi-temps, je prenais des cours de théâtre et je faisais des petits tournages ou des figurations pour payer mon loyer. Ce n’était pas évident. 

Quand tu commences en tant que comédien, tu te confrontes à beaucoup de refus

Quand tu commences en tant que comédien, tu te confrontes aussi à beaucoup de refus. J’ai fait plein de castings, des centaines même ! Parfois, certains peuvent changer ta vie. Mais ça ne marche pas. Pour certains castings, tu attends dans une petite pièce, les casteurs font parfois des castings pour des pubs de beurre dont ils se fichent. Alors ils te parlent comme à un chien : « Vas-y tourne-toi, à gauche. Ok super ». C’est difficile parce qu’ils voient des comédiens toute la journée, qu’ils répètent la même chose. Je comprends que ce soit chiant pour eux mais du coup ils ne te mettent pas dans de bonnes conditions. Même si tu dois tartiner du beurre sur du pain ! Ces castings font mal à l’ego parce que tu ne peux pas montrer de quoi tu es capable. 

Vous avez fait aussi beaucoup de figuration notamment dans Alice Nevers, le clip de Fatal Bazooka ou encore Emily in Paris… 

Je n’avais pas beaucoup d’argent et pour être intermittent du spectacle, j’acceptais tout, tant que c’était au cachet. J’ai fait des films avec Franck Dubosc où j’avais rendez-vous à 7 heures du matin à Orly, juste pour marcher dans l’aéroport. C’était compliqué et j’espère vraiment ne pas le refaire. J’ai rencontré des comédiens de 45 ans qui font de la figuration depuis 20 ans parce qu’ils n’ont jamais eu de rôle. C’est super dur. 

 

Vous avez écrit ce spectacle avec Yassine Benkhadda, comment l’avez-vous rencontré ? 

En 2015, je vais sur Paris, on fait une soirée avec des amis animateurs du Club Med qui ramènent d’autres potes animateurs. Je rencontre Yassine et on passe toute la soirée à pleurer de rire. On se comprend.  En un regard, il sait ce que je vais dire et inversement. Les gens étaient choqués parce qu’on ne se connaissait pas avant cette soirée, on ne s’était jamais vus. En juillet, je devais partir au Club Med et l’animatrice qui devait venir avec moi ne peut finalement pas. J’appelle ma responsable et je lui propose de demander à Yassine de la remplacer. On a passé un mois ensemble au Club Med en tant qu’animateur. C’était incroyable !  

J’ai fait un film avec Franck Dubosc où j’avais rendez-vous à 7 heures du matin à Orly, juste pour marcher dans l’aéroport

Je rentre au cours Florent, et on se recroise de temps en temps. Un jour, je lui envoie un message parce que je veux me lancer dans l’humour. Il m’avait dit qu’il avait fait du stand up avant le Club Med, alors je lui demande s’il peut m’aider pour écrire un sketch. Voilà comment tout a commencé. 

 

Vous avez un sketch sur les émissions de télé-réalité. Si vous deviez participer à Koh Lanta spéciale humoristes, qui aimeriez-vous avoir dans votre équipe ?

Yassine Benkhadda parce que c’est mon pote et qu’on va faire une alliance. Charly Nyobe et Jean-Claude Muaka parce qu’ils sont musclés. Pour la stratégie et la logique : Sophie Bergeot et Morgane Cadignan. Et Kino. Au bout de deux jours, il ne trouverait pas à manger mais de l’alcool [rires]. 

Quelles sont vos vidéos préférées, postées sur votre compte Instagram ? 

Celles qui me font particulièrement rire, ce sont celles qui portent sur la figuration.  C’est un peu une échappatoire de les avoir postées. Faire de la figuration est parfois difficile mentalement : on te parle mal, tu te déplaces et tu tournes de 8h à 20h pour 60 euros net. Alors dévoiler ces vidéos et qu’elles fassent rire les gens, c’est tellement cool !  

 

Quelles infos insolites n’avez-vous jamais révélées ? 

Je connais tout Michel Delpech et j’ai déjeuné avec Jean-Claude Van Damme. C’était un repas lunaire. Il m’a vraiment dit : « Bois de l’eau, bientôt, il n’y en aura plus ». A l’époque, je vivais dans un 10 mètres carrés. Pendant le repas, il me montre des jets privés de chez Dassault dont le sien. Il me dit : « T’as vu, c’est génial parce qu’il y a tout un système de couchettes dans l’avion ». Et moi, je regarde ses photos comme si j’étais intéressé [rires].

Quels sont vos prochains projets ? 

Je joue mon spectacle au Bo Saint-Martin et à Avignon cet été. Je vais aussi continuer les vidéos et passer des castings pour des séries ! 

Edouard Deloignon joue son spectacle Edouard Deloignon grandira plus tard tous les mercredis à 19h au BO Saint-Martin. Pour lire notre report sur le spectacle, cliquez ici

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©Photo de couverture : Xavier Murillon

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