Florent Peyre n’avait pas encore réalisé ce rêve : écrire une comédie musicale sur l’écologie. Avec son nouveau spectacle Nature, l’humoriste présente la première d’un show ambitieux. Sur scène, il danse, chante et interprète, à lui seul, plus d’une quinzaine de personnages. Rencontre avec une bête de scène.
Dans votre spectacle Nature, vous présentez la grande première d’une comédie musicale écolo. Etes-vous aussi stressé que le personnage principal avant de monter sur scène ?
Le soir de la première de Nature, j’étais très stressé. J’étais dans un pire état que Florent, le personnage principal. J’ai failli vomir avant de monter sur scène, j’ai même un peu pleuré. Ça ne m’était jamais arrivé. D’habitude, je n’ai pas trop le trac pour les one man. C’est un élément dans lequel je me sens à l’aise.
Mais pour Nature, on n’avait rien testé donc on ne savait pas si les gens allaient rire ou non ! Les spectateurs s’attendaient peut-être à ce que j’arrive en disant : « Bonsoir, vous m’avez tellement manqué depuis tout ce temps-là, je suis devenu papa et je vais vous raconter mon quotidien ». Alors que je commence tout de suite par des personnages. Dans Nature, il y a aussi de la chanson donc si le public n’aime pas, je pars pour deux heures de tunnel…
Au départ, je devais rôder tranquillement ce spectacle dans le café-théâtre Les Trois T à Toulouse. Et puis, il y a eu le confinement. Donc j’ai écrit le spectacle au mois d’août et j’ai fait la première en plein air devant 600 personnes à 21h30 dans le château de Villemur-sur-Tarn.
Comment s’est passée cette première finalement ?
Très bien ! Pendant la première scène d’exposition, le public était à l’écoute, il se demandait sûrement ce qu’il était en train de se passer. Et puis, d’un seul coup, le spectacle a décollé. C’est un de mes plus beaux souvenirs de scène ! Tout n’était pas parfait, loin de là. Mais j’ai vu que le spectacle marchait : les gens rentraient dans l’univers, ils aimaient cette nouvelle forme, les chansons et les personnages, ils se marraient. C’était magique !
Ma famille, mon metteur en scène Éric Métayer et mes coauteurs, Philippe Caverivière et Matthieu Burnel, étaient aussi présents. Tout le monde était content ! Ils m’ont quand même avoué après coup, en sortant de scène, que ça faisait deux/trois jours qu’ils avaient des doutes [rires]. Ils se disaient que ce n’était peut-être pas une bonne idée et que c’était sûrement de la folie de faire une première en plein air ! Parce que, jouer en plein air implique beaucoup de contraintes. Notamment les retours rires. Ils sont moins bons parce qu’ils s’évaporent dans l’air donc tu ne les entends pas très bien. Et surtout, les lumières ! Quand j’ai commencé le spectacle, il faisait encore jour. Pour Nature, les lumières sont très importantes dans la mise en scène. Elles aident à la compréhension du début du spectacle : savoir ce qu’il se passe en coulisses et ce qu’il se passe sur scène.
Quand tu ne sais pas du tout comment ça va se passer, c’est très compliqué. Le spectacle, la forme originale, les éléments extérieurs du plein air, c’est un peu rock’n’roll. Mais quand tu te lances de grands challenges et que ça marche, la récompense est énorme.
Votre spectacle est un one man musical. Était-ce un rêve de créer une comédie musicale ?
Franchement oui. Dans tout ce qu’il représente, Nature est le spectacle de mes rêves. D’abord pour la forme et le fait d’interpréter tous ces personnages. Quand j’étais au conservatoire à Marseille, j’ai vu Philippe Caubère sur scène, un grand monsieur du théâtre ! Il a fait beaucoup de spectacles dans lesquels il interprète plein de personnages. Je me suis dit qu’un jour, je ferais aussi un spectacle qui prendrait cette forme-là.
Et puis, j’ai toujours aimé chanter. Enfant, je chantais dans la boite de nuit familiale. Je suis un grand fan de comédies musicales françaises et américaines. J’adore aussi Neil Patrick Harrys (How I Met Your Mother). Il a joué dans de nombreuses comédies musicales notamment à Broadway. J’aime tous ses numéros d’ouverture des cérémonies comme celle des Tony Awards par exemple. Après, même si je n’ai pas le niveau américain, j’avais envie de m’en inspirer.
En 2013, j’ai joué à Bobino dans la comédie musicale Spamalot mise en scène par Pef. J’interprétais une seule chanson. Sinon, dans toute la pièce, j’étais dans les chœurs. A ce moment-là, j’ai réalisé que si je travaillais, j’avais les capacités de chanter.
Dans ce one man musical, vous interprétez plusieurs chansons. Quel entraînement avez-vous suivi pour réaliser ce show ?
Depuis 2013, je prends des cours de chant. Je fais des vocalises tous les soirs avant de monter sur scène et je travaille des chansons chez moi. Je voulais me donner la possibilité de mettre des chansons dans le spectacle. Pendant le confinement, j’ai aussi pu faire des chansons. Avec le chant, j’ai ouvert une nouvelle porte pour m’amuser.
Vous dites qu’il y a un point commun entre vous et Johnny Hallyday : Pascal Obispo. Il a composé les musiques de votre spectacle. Comment l’avez-vous rencontré ?
On s’est croisés plusieurs fois sur des plateaux d’émissions. On avait bien sympathisé et ri ensemble. Quand je suis parti en résidence d’écriture avec Matthieu Burnel et Philippe Caverivière, on voyait que le spectacle tendait de plus en plus vers une parodie de comédie musicale. Philippe Caverivière – qui a beaucoup travaillé avec Obispo sur Les Enfoirés – me dit : « Mais pourquoi tu ne demanderais pas à Pascal ? ». Je lui réponds : « Quand même, on ne parle pas de n’importe qui ! ». Il me dit : « Mais tente ! ». Le 15 août, on rédige un texto à trois – pour qu’il soit bien écrit [rires] – et on l’envoie à Pascal qui me répond dans les 5 minutes. Il me demande de le rappeler le soir pour lui pitcher l’histoire et le projet plus en détails. C’est une chance incroyable d’avoir travaillé avec cet artiste !
Comment s’est déroulée cette collaboration ?
Je pensais que j’allais me mettre à côté d’un piano avec Pascal Obispo et que je lui expliquerais sur quoi ma chanson porterait. Ensuite, qu’il allait jouer ce qui l’inspirait et que j’écrirais les paroles après. Alors évidemment non, ça ne s’est pas passé de cette manière [rires]. J’ai d’abord écrit les paroles avec mes coauteurs. On avait déjà inventé des paroles pour des parodies de chanson. Mais dans ce cas de figure, le cadre était déjà défini : il y avait la mélodie, le nombre de pied de chaque phrase et même les rimes.
J'aime tous les personnages parce qu’ils sont ancrés dans le réel. Je m’inspire souvent de personnes que j’ai croisées dans la vie
Quand on a écrit les chansons de Nature, on s’est appuyés sur des chansons qui faisaient partie de nos inspirations pour avoir une base de travail. On écrivait les paroles en suivant la rythmique de la chanson de référence, on reprenait le même nombre de pied, etc. Ensuite, je donnais ces paroles à Pascal pour qu’il compose ce que ces mots lui inspiraient. Je lui expliquais à quel moment de l’histoire la chanson serait chantée. Je lui indiquais aussi la référence musicale qu’on avait prise pour écrire les paroles.
Auriez-vous une anecdote à nous raconter sur les coulisses de ces créations ?
Il y en a une à laquelle je pense chaque soir. Cette anecdote concerne le rap de la mamie. Pour cette chanson, j’ai écrit les paroles, seul, sans mes coauteurs. Je suis dans le train, je descends faire une date en province. Ce jour-là, mon père subit une très grosse opération du cœur, il peut mourir à tout moment pendant l’intervention. Il est entre la vie et la mort. Je ne pense qu’à l’opération, c’est horrible. J’essaie de me changer les idées en écrivant les paroles du rap de la mamie. Je me suis dit que si mon petit papa s’en sort, la chanson va marcher. Et c’est ce qu’il s’est passé. Tous les soirs, quand je la chante, je pense à lui.

Vous jonglez habilement entre une quinzaine de personnages sur scène aux tempéraments complètement opposés. Comment faites-vous pour passer aussi vite d’un caractère/d’une émotion à l’autre ?
Les répétitions. Au début, c’est presque de la danse. Je prends une scène/un sketch. Avec Eric Métayer, on voit quels personnages sont présents, on définit les déplacements, à quel moment ma main doit être là, quand mon pied doit être dans ce sens … comme si c’était une pièce avec trois comédiens. Sauf que je suis seul sur scène.
L'écologie est un sujet qui me tient à cœur dans la vie
Quand j’ai bien assimilé tous les enchaînements – passer de quelqu’un en colère à un autre personnage très calme par exemple – j’essaies de faire ces déplacements plus rapidement. Ensuite, j’ajoute l’interprétation. A force, tout s’automatise, les gestes s’ancrent dans ton esprit, comme en sport. C’est assez magique à vivre. Parfois, le changement entre deux personnages est tellement rapide dans ma tête que j’ai l’impression d’aller plus vite que la réplique du personnage précédent ou de recevoir la réplique comme s’il y avait un autre comédien qui jouait avec moi. C’est extraordinaire, c’est exactement le plaisir que je recherchais. Je ne savais pas que ce serait aussi plaisant. Je suis très heureux.
A la fin de votre spectacle, lorsque les personnages saluent, on sent que vous les aimez tous autant… avez-vous quand même une préférence pour l’un d’entre eux ?
Je les aime tous parce qu’ils sont ancrés dans le réel. Je m’inspire souvent de personnes que j’ai croisées dans la vie. Je peux leur piquer leur manière de se comporter par exemple. Parfois, je mélange plusieurs personnes que j’ai rencontrées pour en faire un personnage. Je les aime tous beaucoup parce qu’il y a toujours quelque chose qui me rappelle l’origine du personnage.
J’aime beaucoup Jean-Claude, le maître de cérémonie toujours optimiste qui essaie de mettre tout le monde bien. Mais j’adore la folie et l’exubérance de Catherine. Et puis, j’aime aussi beaucoup Tanguy qui a le mot de la fin.

Tous ces personnages évoluent dans le spectacle, ils ne sont pas figés…
Le spectacle montre comment évolue une troupe par rapport à un thème central : l’écologie. Les quinze personnages l’interprètent tous d’une manière différente. Certains s’en fichent complètement, d’autres sont trop investis. Avec ce spectacle, je voulais aussi montrer comment chacun des personnages fait un pas vers l’autre.
Pourquoi le thème de l’écologie vous tient-il tant à cœur ?
C’est un sujet qui me tient à cœur dans la vie. J’ai grandi en Ardèche, j’ai vécu mon adolescence au bord de la mer, j’ai toujours été au contact de la nature. Je ne me suis pas d’emblée intéressé à l’écologie mais ça fait quelques années maintenant que, ma femme et moi avons pris conscience de l’urgence de la situation. On a changé nos comportements et nos habitudes du mieux qu’on peut. Parce qu’on n’est jamais parfait.
Avec ce spectacle, je voulais essayer d’avoir un fond en plus des vannes. Je me dis que j’ai une petite tribune grâce à Nature et aux différentes interviews. A chaque fois, si je peux glisser un petit mot sur l’écologie et que ça fasse évoluer les mentalités, je suis content.
Quels gestes écolos faites-vous au quotidien ?
Au lieu de prendre mon scooter, je me déplace à vélo. Je ne mange de la viande ou du poisson qu’une seule fois par mois. Et encore ! Ce sont des efforts à droite à gauche mais ce mode de vie n’est pas plus compliqué que l’autre. Je ne dis pas qu’il faut tout arrêter, mais diminuer notre consommation.
Qu’aimeriez-vous pour les prochaines années, pour l’environnement ?
Tellement de choses ! Je suis persuadé de l’efficacité des petits colibris, de chaque geste du quotidien mais j’aimerais qu’il y ait une prise de conscience chez les plus grands. Je suis optimiste. Même si on parle d’écologie de plus en plus parce que l’urgence est là, beaucoup de gens ont ce début de conscience qui me donne espoir.
Je vois aussi l’impact que ça a sur les générations futures : par exemple mon fils entend ses parents parler de l’écologie et aujourd’hui, si je vais avec lui chez n’importe quel commerçant, c’est lui qui me dit : « Tu penses bien à dire sans emballage plastique ? » [rires].
Quels sont vos prochains projets ?
Je vais continuer mon spectacle à la Gaîté Montparnasse et en tournée dans toute la France jusqu’à début 2023. Je serai également aux côtés de Muriel Robin et Claudia Tagbo dans l’adaptation du spectacle « Ils s’aiment », joué par Pierre Palmade et Michelle Laroque. Le téléfilm sort pour les fêtes de fin d’année !
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©Photo de couverture : Guillaume Ombreux