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Rencontre avec Guillaume Guisset : « Je recherche une candeur de jeu »

Après avoir été lauréat d’un prix d’écriture de la SACD et d’un premier prix du jury au Festival « Arcomik », Guillaume Guisset présente son premier spectacle Cordialement à La Petite Loge puis au Théâtre Le Métropole. Dans ce seul-en-scène, l'humoriste joue sur les contrastes entre son apparence de garçon poli et son cynisme débridé. Rencontre avec un artiste qui jongle habilement avec le sarcasme.

Quel est votre premier souvenir lié à l’humour ? 

Les sketchs des Inconnus qui passaient à la télévision dans les années 90. Quand j’avais 8 ans, ma mère nous avait même mis en scène à Noël. On avait repris le sketch « Les Rap-tout ». Rétrospectivement, je me dis que c’était assez malin de sa part : jouer un sketch qui ironise sur la pression fiscale devant une famille de commerçants [rires].

Que vouliez-vous faire enfant ? 

Dessinateur puis comédien. En revanche, comme j’ai passé mon enfance dans un petit village de l’Oise (Mortefontaine), il n’y avait pas de cours de théâtre à moins d’une heure de trajet…

Pourquoi vouliez-vous être comédien ? 

J’ai passé la majeure partie de mon enfance à la campagne où il n’y avait pas grand-chose à faire. Je regardais les mêmes VHS en boucle que je trouvais dans la bibliothèque de mes parents.  J’étais fan de Superman et de Christopher Reeve, je voulais jouer dans des films pour pouvoir voler (j’avais rien compris au métier en fait).

Quand j’étais petit, j’avais également des problèmes d’attention. Je me créais des mondes. La perspective de jouer des personnages différents me semblait très excitante. C’est d’abord mon imaginaire qui m’a amené vers ce métier.

Vous avez d’abord fait des études de droit et de commerce avant de suivre le Cours Florent… 

J’ai été au Cours Florent tard mais je pense que ça n’aurait pas aussi bien fonctionné si j’y avais été plus tôt. Je n’étais pas prêt. J’étais un adolescent hyperactif. J’étais dans mes pensées et je n’écoutais pas quand on me parlait. De la primaire à la terminale, j’ai fait 11 écoles. Une année, j’ai même été dans trois écoles différentes ! J’étais « dur ». Je n’aimais pas le fait de rester assis à écouter un enseignant parler alors que dans ma tête, il me semblait qu’il se passait 1000 choses plus intéressantes. En revanche, je suis devenu un bon élève au cours de mes études supérieures. Tard donc. Un peu comme un avion qui décolle en bout de piste parce qu’il est trop lourd [rires].

 

Guillaume Guisset © Kobayashi

Je suis le cinquième d’une famille de sept, tous mes frères et sœurs ont fait de grandes écoles (HEC, l’ESSEC, Sciences-Po). Je pense que j’ai fait du droit et l’ESCP par mimétisme. Mais dans le fond, je voulais devenir comédien et faire une école de théâtre. J’ai beaucoup aimé les Cours Florent, même si la formation dépend beaucoup de l’intensité que vous y mettez et du professeur que vous avez. J’ai eu la chance d’avoir trois enseignants exceptionnels : Léon Masson, Serge Brincat et Cédric Prévost.

Préférez-vous jouer ou écrire ? 

Quand il s’agit de mon spectacle, je préfère l’écriture. J’adore aussi jouer sur scène mais si je dois absolument choisir, je dirais que l’écriture est ce qui m’apporte le plus de plaisir, même si c’est très fugace. Pour moi, rien ne remplace le plaisir d’identifier une situation, une histoire ou une tournure dont on est à peu près sûr qu’elle va faire rire le public.

C’est tellement difficile de trouver une bonne histoire ou une bonne chute. Parfois, tu as le sentiment d’écrire des choses géniales, tu les présentes sur scène et ça ne fonctionne pas. Et parfois il suffit de changer un mot ou un silence pour que le public réponde présent. Le rythme est d’ailleurs l’une des clés absolues en humour. Si tu donnes le même texte à deux personnes différentes, celle qui gère bien le rythme va « augmenter » le texte tandis que l’autre peut le rendre terne voire le dégrader.

A 17 ans, j’ai été arrêté pour vol à l’étalage dans ce magasin parce que j’avais volé…Une encyclopédie Universalis sur CDROM [rires]. 

Aujourd’hui, je recherche une candeur de jeu. Picasso disait qu’il avait mis toute sa vie à dessiner comme un enfant. Je pense que c’est également (voire davantage encore) vrai en humour. Plus tu te rapproches de l’enfant que tu étais, plus tu es drôle sur scène. Les enfants se fichent de l’image qu’ils renvoient. Ils y sont étrangers. Et comme ils n’ont pas peur du ridicule, ils y vont à fond et sont spontanés. C’est là que réside l’essence de l’humour : la candeur, l’aspect enfantin. 

L’un de mes professeurs au Cours Florent, Léon Masson nous répétait : « Le théâtre c’est du jeu. Vous devez jouer ». Et un autre de mes enseignants, Cédric Prevost, nous répétait : « Jouer c’est simple, il suffit d’y croire ». Un enfant croit totalement aux histoires qu’il crée. Quand tu grandis, c’est plus difficile de se débarrasser de toutes ces peurs et de ces questions parce que la vie en société nous oblige à tenir compte du regard des autres. C’est pour ça que la quête de tout comédien est de s’affranchir de son image pour raconter une histoire. Redevenir un enfant l’espace d’une scène ou d’une pièce.

J’étais fan de Superman et de Christopher Reeve, je voulais jouer dans des films pour pouvoir voler (j’avais rien compris au métier en fait).

Très longtemps, j’ai été seul. Grâce à Mélissa et Perrine (gérantes de La Petite Loge [n.d.l.r]), j’ai rencontré mon metteur en scène, Grégoire Dey. Le spectacle prend de l’ampleur depuis que je ne suis plus seul. Je suis convaincu qu’on ne peut pas y arriver seul. Il faut s’entourer de gens intelligents, bienveillants et motivés. Et qui ont de l’expérience (sans doute le plus important quand on débute). J’ai une chance immense : les personnes qui m’entourent réunissent toutes ces qualités.

Selon vous, est-ce important la sincérité sur scène ? 

C’est incontestable. Quand un artiste te raconte une expérience vécue, c’est beaucoup plus drôle parce qu’il l’a intimement ressenti. Dans mon spectacle, certains passages sont véridiques, notamment celui de la FNAC. A 17 ans, j’ai été arrêté pour vol à l’étalage dans ce magasin parce que j’avais volé…Une encyclopédie Universalis sur CDROM [rires]. 

Je l’avais acheté sur le site de la FNAC et j'avais reçu le CDROM rayé. Je vais dans un magasin pour demander un échange qu’on me refuse. Je décide donc de faire un échange par mes propres moyens. Je laisse le CDROM rayé et je repars avec un exemplaire neuf. En partant, je me fais arrêter par un vigile. Je lui explique, je lui montre la facture du produit acheté sur internet. Il n’y avait aucun différentiel de prix. Mais ils n’ont rien voulu savoir. Ils m’ont fait attendre dans un cagibi, ils m’ont passé les menottes, la police est arrivée, panier à salade et direction le commissariat du XVIIe [rires].

Quelle est votre définition du terme « cordialement », le titre de votre seul-en-scène ? 

C’est une formule de politesse que l’on met souvent à la fin des mails. Mais derrière ce terme, il y a souvent de l'hypocrisie. Tous les mails qui annoncent un plan social finissent par un petit « Cordialement » ou « Bien à vous » (qui sera sans doute le titre de mon deuxième spectacle) [rires].

Dans votre spectacle, vous expliquez : « Les dix premières secondes, c’est l’angoisse absolue ». Pourquoi ces secondes là sont-elles si décisives pour la suite du spectacle ?

C’est l’angoisse absolue pour soi-même. En coulisses, je me demande pourquoi je m’inflige ça. Je me mets en difficultés alors que je pourrais être au chaud dans un bureau à remplir des cellules l’Excel (l’angoisse absolue). Les 10 premières secondes constituent un vertige. On ne sait jamais ce qu’il va se passer : comment va réagir le public par exemple. Surtout que c’est un métier où tu peux prendre des bides !

Les 10 premières secondes d'un spectacle constituent un vertige

Quand je jouais à La Petite Loge, je savais que si le public répondait « Bonsoiiiiir » en chœur au « Bonsoir » de Mélissa, c’était bon signe. Idem lorsqu’ils répondaient « Merci » à son « Et je vous souhaite un très bon spectacle ! » . Quand je n’entendais rien derrière le rideau, je savais que la représentation allait être difficile. Les gens rient aussi par mimétisme. C’est particulièrement vrai quand tu fais de l’humour noir où les gens se demandent s’ils ont le droit de rire. Quand une personne rigole, ça ouvre la voie aux autres qui ont le sentiment qu’il est socialement acceptable de rire aux horreurs que le type débite sur scène. Au contraire, si personne ne rigole, les gens peuvent se dire : est-ce que j’ai le droit de rire à cette blague ignoble ?

Vous avez joué ce spectacle pour la première fois à La Petite Loge. Que représente ce théâtre pour vous ?

C’est le premier théâtre qui m’a accueilli. C’est la première fois que je jouais mon spectacle et que je me produisais sur scène. Je m’en souviendrai toute ma vie. Ce théâtre a une âme et il est chargé de plein de souvenirs. Beaucoup d’artistes sont passés par cette salle.

Ce sont des souvenirs incroyables, comme Mélissa qui jouait Pénélope Fillon dans mon spectacle ! J’ai aussi partagé la scène avec des amis qui faisaient mes premières parties et notamment Guillaume Fosko, Emma de Foucaud, Amandine Lourdel,...  Je suis déjà nostalgique de La Petite Loge.

 

Guillaume Guisset © Kobayashi

Dans votre spectacle, vous parlez de votre nostalgie des années 90. Qu’est-ce qui vous manque ?

L'insouciance. Quand on dit : « c’était mieux avant », ce n’est pas l’époque qui manque mais notre enfance. Quand on n’avait pas de responsabilités, d’arbitrages à faire ou de décisions à prendre.

Vous jouez votre spectacle depuis un an. Auriez-vous une anecdote en lien avec ce spectacle ?

Un soir je voulais faire une surprise au public à la fin de mon spectacle et leur offrir un petit cadeau. Une façon de me moquer du matérialisme et de l’aspect merchandising qu’on retrouve dans certains spectacles ou musée (où tu sors invariablement par la boutique des souvenirs pour accéder à la sortie). Je me disais : « Ce serait drôle que les spectateurs partent avec un pins de François Fillon » (référence à un passage du spectacle). J’ai donc téléchargé de manière très scolaire la photo de François Fillon sur laquelle j’ai ajouté un petit cœur. Je commande l’ensemble sur un site et une semaine plus tard, je reçois un colis. J’ouvre le paquet et à la place des pins, ce sont des magnets. Et ce n’est pas la tête de François Fillon mais un faire-part de naissance. Il y avait écrit : Ambrine 3,7 kilos, née le 17 décembre 2019…Ils ont inversé deux commandes. Donc il y a un mois, des parents ont reçu des pins avec la tête de François Fillon pour fêter la naissance de leur enfant. [rires].

Quels sont vos projets futurs ?

Faire de ce one man un spectacle dont on se souvient. Prendre des risques, investir du temps et de l’énergie avec mon metteur en scène Grégoire Dey pour faire de ce spectacle une pépite. Il y a du boulot mais on est sur la bonne voie, j’ai confiance en nous (Grégoire, Mélissa et Perrine).

Guillaume Guisset joue tous les vendredis soirs son spectacle Cordialement au Théâtre Le Métropole. Suivez son actualité sur son compte Instagram et Facebook.

 

©Photo de couverture : Kobayashi

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