Humoriste, comédienne, chroniqueuse dans l’émission Piquantes !, Laura Domenge est une véritable pile électrique qui ne dort presque jamais. Son pouvoir d’observation lui permet de renouveler sans cesse sa palette de personnages qui peuplent chacun de ses projets. A travers son spectacle Une nuit avec Laura Domenge, elle nous fait chavirer sur le chemin de sa pensée. Rencontre avec une artiste étincelante.
Quel est votre premier souvenir lié à l’humour ?
J’avais 3 ans. Avec mon grand frère, je regardais les sketchs des Inconnus qu’on avait enregistrés sur les VHS. On les regardait en boucle. Je ne captais pas les enjeux mais je comprenais qu’ils se déguisaient, qu’ils transformaient leurs voix, je les trouvais forts et drôles ! Je me souviens que j’étais fascinée par Didier Bourdon.
Je me souviens aussi des personnages d’Elie Kakou et du premier spectacle de Gad Elmaleh. C’était un humour sur les Juifs Marocains, comme nous. Je trouvais marrant de voir toutes les choses qu’il pointait du doigt et qu’on retrouvait chez nous, à la maison.
Dans votre spectacle, vous interprétez 12 meufs qui préparent un EVJF. Comment parvenez-vous à passer aussi vite d’un personnage à l’autre ?
Je m’inspire de personnes que je connais donc je les visualise précisément et j’essaie de les restituer de la manière la plus détaillée possible. Pour l’EVJF, toutes les filles qui ont vu le spectacle ont ri et se sont toutes reconnues ! On dit qu’être acteur, c’est vivre mille vies. J’adore ! Et je trouve drôle de se glisser dans la peau de quelqu’un qui n’a rien à voir avec nous, d’interpréter 30 secondes de cette vie-là.
Quand j’avais 10 ans, je portais un corset la nuit, ce qui m’empêchait physiquement de dormir.
Parmi tous ces personnages, y en a-t-il un que vous aimez particulièrement interpréter ?
Le mec binaire. Il ne se prend pas la tête. Je rêverais d'être comme ça [rires].
Comment avez-vous trouvé le fil rouge de ce spectacle ?
Je suis insomniaque depuis l’âge de mes 10 ans. Pendant mes nuits d’insomnies, je me pose beaucoup de questions. Je trouvais que ces réflexions ressemblaient presque à un passage de stand up. C’était le même mécanisme : partir d’une observation quotidienne et ensuite, l’extrapoler jusqu’à ce qu’elle devienne irréelle. Je me suis dit que ce serait drôle de construire un spectacle de stand up comme une nuit d’insomnie.
Quelle était la cause de vos insomnies ?
Quand j’avais 10 ans, je portais un corset la nuit, ce qui m’empêchait physiquement de dormir. On disait que j’étais une enfant dans la lune, que j’étais dans mes pensées. La nuit, je pouvais vraiment prendre le temps de l’être. J’ai commencé à presque aimer ces moments de vie volée que me permettaient les insomnies ; ces moments de réflexions un peu saugrenues que tu ne peux pas trop faire exister la journée. Après, en grandissant, tu te rends vite compte que c’est ingérable de ne pas assez dormir [rires].
La nuit est pour moi un instant de liberté.
Comment arriviez-vous à gérer le manque de sommeil petite ?
Je tenais sur les nerfs. J’ai beaucoup d’énergie mais la fatigue alimente ma sensibilité ou le fait d’être à fleur de peau.
Aujourd’hui avez-vous trouvé un moyen pour arriver à dormir la nuit ?
C’est surtout que maintenant, je ne lutte plus. Je me dis que ce n’est pas grave. J’ai aménagé ma vie en fonction de mes insomnies pour que ce ne soit plus un problème. La nuit est pour moi un instant de liberté.
Pendant vos insomnies, vous dites avoir des idées cheloues. Vous souvenez-vous d’une en particulier qui aurait émergé en plein milieu de la nuit ?
J’ai des espèces de lubies parce que je suis très sensible à la lumière donc je me dis que ce serait hyper intéressant d’inventer un interrupteur à LED qui éteindrait ces petites lumières de fils de lâches [rires] : la lumière de veille d’ordi, d’une recharge ou de la box par exemple.
L’unité est créée par la personne qui porte le spectacle.
Comment avez-vous construit votre spectacle ?
J'ai une exigence de rire : je construis mes blagues en fonction de ce paramètre. J’ai envie que les gens passent un bon moment, qu’ils rient. Ce que j’aime aussi, c’est proposer un moment de spectacle. J’ai beaucoup de souvenirs de spectacles que je voyais quand j’étais petite où j’en prenais plein la vue. Je mélange les codes. Ça m’amuse d’aller décaler les frontières entre stand up et one man parce qu’au final, l’unité est créée par la personne qui porte le spectacle.
Vous avez fait beaucoup de théâtre et monté plusieurs compagnies. Pourquoi aviez-vous envie d’être seule sur scène ?
Le stand up peut toucher tous les publics, c’est un art populaire. Il peut réunir tous les publics quels que soient les milieux sociaux. Le théâtre a la réputation d’être un peu trop élitiste ou snob. Il a du mal à se défaire de cette image. Alors c’était très frustrant pour moi de ne m’adresser qu’à une minorité de gens déjà convertis.
Vous souvenez-vous de la première fois où vous avez joué votre spectacle ?
Oui très bien ! Je l’ai joué à Grenoble, c’était incroyable ! Je ne savais pas à quoi m’attendre mais j’ai été vraiment portée par le public. C’était très intense, surtout quand c’est la première d’un nouveau spectacle. J’ai même eu une standing ovation à la fin ! Je l’ai pris comme des encouragements. Je suis très rarement contente de moi alors en sortant je me suis dit : « le public n’a pas assez rit mais je crois que l’on tient quelque chose » [rires].
Les gens ont l’image de femmes rivales alors que c’est tout l’inverse [...] Cette émission est une véritable safe place.
Je l’avais joué à Grenoble parce que je ne voulais pas que mes proches me donnent leur avis. Dans un premier temps, j’ai besoin que le spectacle me plaise donc je ne peux pas avoir le poids du regard des gens qui me connaissent. Sinon je vais forcément être influencée par l’image qu’ils ont de moi. Sur scène, je voulais proposer quelque chose d’authentique, écrire ce qui me tenait à cœur. Pour trouver cette authenticité-là, il fallait que je sois loin de tous. Je voulais leur montrer le spectacle en étant suffisamment affirmée pour ne pas me décentrer.
Vous faites partie de la team Piquantes ! sur Téva, qu’aimez-vous dans ce travail d’équipe ?
Je les aime chacune d’entre elles. Humainement et artistiquement, elles sont très inspirantes. On s’admire toutes, c’est très porteur. On travaille dans une ambiance bienveillante et soudée. Toutes ces micro choses qui peuvent nous tendre dans la vie comme les petites réflexions, n’existent pas quand on travaille toutes ensemble. Les gens ont l’image de femmes rivales alors que c’est tout l’inverse : sororité maximale. J’ai hâte de les retrouver à chaque fois ! Et puis, c’est une émission dans laquelle on est tellement libres.
Dans cette émission, vous assurez L’enquête Très Très Spéciale et En Duplex avec dans lequel vous vous interviewez à partir d’une vidéo pré-enregistrée. Est-ce un exercice périlleux ?
Tellement ! Surtout que l’on tourne sur un plateau de radio alors il y a un vrai décalage entre le moment où les techniciens lancent la vidéo et le moment où elle passe. C’est stressant pour eux et pour moi, c’est une petite performance technique [rires]. Mais j’adore !
Dans n’importe quel autre contexte, je n’aurais plus de jambes tellement je serais en panique. Mais cette émission est une véritable safe place. Je sais qu’on va s’amuser et que tout va bien se passer !
Laura Domenge jouera son spectacle Une nuit avec Laura Domenge les vendredis et samedis soirs à partir de septembre à La Nouvelle Seine. Pour suivre toute l’actualité de l’humoriste, rendez-vous sur Instagram et Facebook.

©Photo de couverture : FIFOU