Colosse d’1m92 à la voix grave et tonitruante, Warren Zavatta ne passe pas inaperçu. Petit-fils d’Achille Zavatta, ce grand clown a rechaussé ses chaussures rouges pour revenir sur le devant de la scène avec Fiasco !. Dans ce spectacle, il nous livre sa descente aux enfers et son retour à la vie. Rencontre avec un rescapé qui n’a pas dit son dernier mot.
Quel est votre premier souvenir lié à l’humour ?
Quand mon grand-père (Achille Zavatta [n.d.l.r]) s’est penché sur mon berceau avec sa tête de clown : maquillé, les cheveux et le nez rouge. J’ai flippé !
Qu’est-ce qui vous a fait rire dernièrement ?
J’étais au restaurant avec ma copine. Elle est dyslexique donc elle mélange parfois certains mots. Je n’arrivais pas à finir mon plat et elle m’a regardé en disant : « Ah ah ! T’as eu les yeux plus grands que la bouche » [rires].
Enfant, rêviez-vous de devenir clown ?
Pas du tout, je voulais être pilote de ligne ! J’adorais les avions et je rêvais d’en piloter un. Quand tu es né dans une famille de cirque ou d’artistes, tu n’as pas forcément envie de reprendre la profession de tes parents. Cette envie est venue après, à mes 23 ans.
Finalement, j’ai fait très peu de cirque dans ma vie. Je suis parti de chez moi à 16 ans, j’ai vécu à l’étranger et j’ai fait plein de petits boulots. J’ai été au cirque de Moscou. J’ai monté un numéro de clown avec une partenaire ukrainienne. Et puis, je me suis rendu compte que j’avais envie de faire du théâtre. Quand je suis revenu à Paris, j’ai pris des cours de théâtre. Et j’ai sorti mon premier one man à l’âge de 40 ans.

Quel clown êtes-vous aujourd’hui ?
Un clown apaisé. Mon premier spectacle, Ce soir dans votre ville, portait sur mes relations familiales extrêmement compliquées et mon opposition à tout ce monde. Avec ce show, j’ai eu du succès pendant un an et demi. Mais après cette montée fulgurante, j’ai fait une belle traversée du désert. Je suis passé par toutes les galères : l’alcool, la drogue, la prison.
Quand j’ai commencé à jouer, je n’avais pas été diagnostiqué bipolaire. Je pétais les plombs toutes les trois semaines. J’étais vraiment en dépression à cette période-là mais je me disais qu’il serait possible de revenir à la scène avec un nouveau one man show. Je continuais de jouer ponctuellement mon ancien spectacle mais de moins en moins. Je ne dormais plus. Je me couchais à minuit pour me lever à 3h du matin.
Fiasco ! est une histoire vraie
J’ai commencé à écrire le nouveau spectacle dans cet état-là au fin fond de ma maison en province. Je voyais bien qu’il y avait quelque chose qui ne fonctionnait pas bien. Ça a mis du temps avant qu’on me diagnostique bipolaire. Mais une fois sous traitement, je n’ai plus eu de soucis.
Comment s’est passé ce travail d’écriture pour ce deuxième one man show ?
J’ai pris mon temps. Chez moi, dans une dépendance, j’ai aménagé un petit théâtre avec des rideaux rouges, quelques fauteuils et une scène. J’ai commencé à répéter tout seul en me filmant, porte fermée à clef. Quand tu es en création, tu es fragile. Il faut tenter, ne pas se censurer donc c’est difficile de montrer ce que tu es en train de créer à des personnes extérieures.
Fiasco ! est une histoire vraie. Comme pour un livre : tu l’ouvres et je te raconte l’histoire. Je voulais parler de l’après succès et de cette descente qui a duré 10 ans. Dans ce spectacle, j’évoque des sujets graves que je tourne en dérision : la prison, la dépression, l’alcoolisme ou encore la gestion d’émotions quand tu es une personne bipolaire. Et puis, je chante, je danse et j’inclus quelques effets scéniques.
Qu’avez-vous ressenti lorsque vous avez joué Fiasco ! pour la première fois ?
Ce nouveau spectacle n’est pas un assemblage de sketchs que tu écris au fur et à mesure, que tu testes petit à petit, que tu peaufines. Fiasco ! est une véritable histoire. Je l’ai écrite d’un coup et je l’ai jouée directement sur scène. Pour la première représentation, j’étais vraiment flippé. Mes filles étaient en coulisses avec le texte [rires].
Elles aussi ont participé à ce spectacle…
Oui, pour ce seul-en-scène, elles ont fait les chœurs de toutes les musiques et les annonces en voix off. Dès qu’elles assistent à une représentation, elles montent sur scène avec moi à la fin du spectacle. On a même une petite choré [rires].
Que représente ce spectacle pour vous ?
Une renaissance. Une seconde vie. Ce n’était pas gagné ! Je suis un miraculé. J’aurais pu l’appeler : « deuxième chance ».

Alors pourquoi l’avoir appelé « Fiasco » ?
Pour le côté provoc’ [rires]. A priori, ce n’est pas un titre qu’on donnerait à un spectacle donc je me suis dit que c’était intéressant de prendre le contrepied. Et puis, le spectacle raconte bien l’histoire d’un fiasco : celui de pourrir et détruire sa carrière. En italien, fiasco signifie flasque, la petite bouteille dans laquelle tu mets de l’alcool. Je l’ai appris après mais finalement ça tombait bien [rires].
Vous avez rechaussé vos chaussures de clown pour ce spectacle. Pour vous, que représentent-elles ?
L’héritage culturel [rires]. Sur scène, j’ai un costume noir plutôt sobre et les seules choses que j’ai gardées du cirque dans la tenue, ce sont ces chaussures de clown. Je les ai tellement portées, j’ai joué au moins 1200 représentations avec ! Elles m’ont coûté une blinde [rires]. C’est du sur mesure, tu es hyper à l’aise dedans. Tout au bout, c'est de la mousse. Bon après, même si c’est confortable, faire de l'overboard avec, ça reste compliqué !
Dans votre spectacle, vous dites : « Ce spectacle, c’est ma façon à moi de dire pardon ». Vous êtes-vous pardonné ?
Je pense que je suis sur le chemin. Après, il y a une part de fardeau qui me pèse parfois. J’ai quand même raté des choses quand j’étais au bord de la gloire. J’avais pour projet de faire un film avec Dany Boon dans lequel j’avais le premier rôle. Tout s’est cassé la gueule du jour au lendemain. Et ça, tu le rumines quand même pendant des lustres.
Je suis un miraculé. J’aurais pu appeler ce spectacle : "deuxième chance"
Maintenant, ça va mieux. Je rejoue, je suis sur le devant de la scène, les projets reviennent ! Mais je reviens de loin. En tant que personne bipolaire, c’est très difficile de faire de la scène, on doit éviter d’avoir des émotions fortes, les changements de rythmes, d’endroits. Je fais tout le contraire donc il faut arriver à gérer [rires].
Quels sont vos projets futurs ?
Les projets vont dépendre de la manière dont se passe ce spectacle. continuer à vivre comme je vis en ce moment. J’aimerais vendre ma maison, habiter en front de mer et avoir un voilier pour écrire sur l’eau.
Pour assister à Fiasco !, rendez-vous au théâtre Chapeau d'Ebène à Avignon. Warren Zavatta joue son spectacle les lundis, mardis, jeudis, vendredis, samedis et dimanches à 19h40. Suivez l'actualité du comédien sur son site officiel et les réseaux sociaux (Instagram et Facebook).
©Photo de couverture : Kobayashi