Bien que dans le stand-up depuis quelques années, Samia Orosemane s'est faite connaître du grand public avec une vidéo où elle dénonçait les "islamistes, intégristes, djihadistes, pianistes, cyclistes..." Alors qu'elle présente son nouveau spectacle Femme de couleurs et qu'elle s'apprête à jouer pour le Festival L'île du Rire 2, nous avons rencontré cette comédienne qui n'a pas sa langue dans sa poche.
Comment est venu votre passion pour la scène ?
Il y avait un atelier théâtre au Collège, à Clichy-sous-Bois dans le 93. J’ai commencé à 12 ans. La première improvisation que j’ai faite, j’ai réussi à tirer des larmes. Du coup, je me suis dit c’est cela que j’ai envie de faire. A savoir, transmettre des émotions et être sur la scène. J’avais envie d’étonner les gens et qu’ils me regardent. c’est la seule voie que j’ai voulu poursuivre, même si à un moment j’ai été nounou parce que j’adore les gamins. J’ai poursuivi les cours de comédie. J’ai ensuite fait le conservatoire de Paris dans le premier et le 11eme. Ensuite j’ai intégré des troupes. Maintenant, j’ai mon propre spectacle.
Votre spectacle est totalement autobiographique ?
Tout est vrai. Je suis vraiment allée dans un restaurant cacher pour aller vendre mon spectacle et y mettre des affiches. Je n’ai pas besoin d’inventer ce que j’ai vécu. La vie est assez drôle comme cela. Il suffit juste d’ouvrir les yeux et de regarder autour de soi et de trouver comment le raconter. Je joue les personnages que j’ai croisés mais ils existent. Je ne sais pas faire semblant, ni inventer. Je suis une conteuse. C’est juste ma façon de raconter qui est vraie.
Est-ce que cela a été difficile en tant que femme, musulmane et voilée de vous imposer ?
C’est drôle, car ce sont toujours les mêmes questions. Les barrières qu’on a ce sont celles qu’on a dans nos têtes. C’est comme l’exemple du cheval attaché à une chaise, si tu regardes ta laisse et tu sais que tu es attaché tu ne feras rien. Aujourd’hui, il faut enlever les barrières dans nos têtes et décider d’aller tout droit. Quel que soit ton handicap, il y aura toujours des gens sur ta route pour t’empêcher de faire ce que tu veux. C’est à toi d’être convaincu que tu y arriveras et de foncer. A partir du moment où tu es convaincu et que tu avances cela ne peut que fonctionner.
Quels ont été les obstacles dans votre carrière ?
Il y a des patrons de théâtre qui ont pas voulu me donner de créneaux ou de festivals juste par ce que j’ai un foulard sur la tête et que cela les dérange. ils me disaient en gros « C’est dommage ce foulard, on comprend pas » ou des trucs comme « Vous auriez pu défendre la femme contre l’oppression du voile islamique ». Quand j’aurai plus de succès, la question du foulard ne se posera même plus.
Donc l’humour est un bon instrument pour lutter contre les clichés ?
Clairement. Aujourd’hui, tu peux faire passer des messages plus facilement qu’avec la politique. Les gens ne croient plus aux politiques. Alors que quand on va voir un artiste, il n’a rien à vous vendre. Il peut amener des gens sur certains sujets. Prenez l’exemple de Molière qui a traité de certains sujets qui sont encore d’actualité. L’art et le rire, c’est le meilleur moyen de transmettre des messages.
Vous avez cité Molière, quelles sont vos autres références?
Elie Kakou, Paix à son âme. Le personnage de Madame Serfati, c’est une juive tunisienne. Cela me rappelle ma maman, c’est un peu mon inspiration. Je me reconnais dans lui. C’est quelqu’un qui savait jouer les personnages, il était très talentueux. Il savait bien habiter ses personnages.
Justement, vous jouez des personnages, chose qu’on ne voit plus trop sur des seuls en scène ?
Je suis comédienne, donc forcément c’est quelque chose que j’aime faire. C’est là où je me sens le plus à l’aise. J’analyse les gens et leur façon de se comporter. Finalement, c’est cela qui fait que cela fonctionne. Je m’amuse à le faire.
La vidéo que vous avez tourné après les attentats du 13 novembre avait fait beaucoup parler. Quelles ont été les retombées ?
Cela m’a permis d’avoir une médiatisation plus importante car les médias non communautaires ne s’intéressaient pas à ce que j’avais à dire. Cette vidéo qui a marché a permis à plein de gens de venir me découvrir. Cela m’a ouvert des portes, maintenant c’est pas la seule chose parce qu’on peut faire un buzz mais si derrière il n'y a pas de travail et si on n'a rien à fournir le buzz redescend. Cela a attisé la curiosité des spectateurs qui sont venus dans la salle.
Vous organisez un festival d'humour à Djerba. Qu’est-ce que cela représente pour vous ?
Ce sont mes racines, mes origines. Je sais que la première fois mon père avait les yeux qui brillaient. Il était fier. Les gens dans la rue m’arrêtaient et me disaient « Tu nous a honorés, tu nous a rendus fiers. » C’est beau. Quand on est enfants d’immigrés, on ne sait pas trop où est notre place. Parce qu’on est nés ici et qu’on a pas la gueule d’ici et quand on est là bas on n'est pas considérés comme étant de là-bas, parce qu’on a un accent d’ici. Il y a un vrai malaise avec les jeunes de l’immigration car on cherche à les assimiler et à leur faire abandonner leurs cultures. Le fait d’aller jouer là-bas, cela m’a énormément valorisée. Je me sens comme chez moi quand je vais jouer en Tunisie.
Retrouvez Samia Orosemane à l'Apollo Théâtre, le mercredi et le jeudi, pour jouer son nouveau spectacle Femme de couleurs. Elle également en tournée dans toute la France.
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