Full-width Image

Rencontre avec Tanguy Pastureau : « Je voulais une vie amusante »

19 Mai 2022

Il est chroniqueur sur France Inter le jour et humoriste sur scène la nuit. Des ondes radios à la scène, Tanguy Pastureau connaît un véritable succès qui l’emmène en tournée dans toute la France avec son premier spectacle Tanguy Pastureau n’est pas célèbre. Rencontre. 

Quel est votre premier souvenir lié à l’humour ?

J’étais petit, je devais avoir 9 ans, je regardais le Bébête Show qui passait à la télé tous les jours avant le journal de 20h. C'étaient des marionnettes qui représentaient les politiques parfois sous les traits d’animaux. Par exemple, à l’époque, il y avait Mitterrand et Chirac. Ce show m’a marqué parce que je trouvais irrévérencieux de se moquer des politiques. Les marionnettes me faisaient rire, c’était enfantin. Mais peut-être que si je regardais de nouveau aujourd’hui, je trouverais le show ridicule et pas très drôle parce que c’était des jeux de mots un peu pourris [rires]. 

Dans vos chroniques ou dans votre spectacle, vous traitez de l’actualité politique. Qu’est-ce qui vous fascine en politique ? 

Ce qui me fascine, c’est le jeu. La politique est un théâtre : des personnages s’allient ou se trahissent. Comme dans Games of Thrones. Ce sont de grandes sagas que l’on pourrait reconstituer en série. Les personnages sont un peu romanesques et absurdes. 

Après un BTS tourisme, vous vous êtes lancé sur les ondes radio et vous êtes devenu animateur radio bénévole, qu’est-ce qui a motivé ce choix ? 

J’écoutais tout le temps la radio. Dans les années 90, il y avait la libre antenne. Les jeunes pouvaient téléphoner à la radio toute la journée pour exprimer leurs états d’âme. A l’époque, les réseaux sociaux n’existaient pas. Donc le seul moyen de savoir ce que d’autres jeunes que toi ressentaient, c’était d’écouter la radio. Partout en France, ils avaient les mêmes problématiques. 

Petit, j’avais un village de figurines et j’organisais des élections.

J’étais fasciné par les animateurs. Ils faisaient parler les gens pendant des heures. Toute la nuit parfois. Je me souviens d’une émission d’Arthur dans laquelle Maître Lévy était un sniper. Pas une blague ne tombait à côté. Je trouvais que l’écriture était incroyable. Je me disais qu’on devait s'éclater et s’amuser à faire ça. Mon premier rapport à l’écriture, c’est la radio. 

Quels souvenirs en gardez-vous ?

C’était un apprentissage. Avant d’être solide à l’antenne - ce qu’on n’est jamais vraiment en fait parce que chaque semaine, on peut faire une chronique moins bien qu’une autre, se planter et c’est aussi le charme de ce métier - il faut s’entraîner des heures et des heures. A ce moment-là, je n’avais pas encore trouvé mon style d'écriture, souvent ça tombait un peu à plat. Je me cherchais. 

Est-ce que vous vous êtes trouvé ? 

Je pense [rires]. Je pense que j’ai trouvé le ton et la manière de dire les choses. Il y a quelques années, j’étais sarcastique mais je me rends compte aujourd’hui que j’essayais d’imiter d’autres chroniqueurs parce que les snipers marchaient à l'époque. Mais ce n’était pas moi. Je préfère utiliser des métaphores et tourner autour du pot par exemple. Je l’ai compris plus tard, une fois que j’ai trouvé mon personnage, et surtout moi. 

Alors aujourd’hui, comment décririez-vous ce personnage ? 

Un type un peu décalé qui, au lieu de voir ce que les autres perçoivent, est toujours un peu à côté. Réellement, je vois aussi les choses en décalé. C’est une déformation mais c’est aussi grâce à ça que j’arrive à créer et imaginer des situations absurdes. 

Vous êtes aujourd’hui sur France Inter avec votre chronique quotidienne Tanguy Pastureau maltraite l’info. Qu’aimez-vous dans l’exercice de la chronique ?

Le fait d’être tous les jours à l’antenne. J’ai l’impression de tenir un journal de bord. Ca me rassure de me dire que si je ne suis pas très bon un midi, ce n’est pas grave. Le lendemain, je reviens et je remets le couvert. Et puis, j’aime le lien quotidien créé avec les gens, c'est un rendez-vous fréquent. 

  

  

Pour écrire une chronique, quelle est votre méthode de travail ? 

Je ne note rien. En général, je trouve un article avec un titre absurde qui me plaît. Par exemple, j’ai fait une chronique sur les épinards connectés parce que j’avais vu passer sur twitter : « Aux Etats-Unis, les chercheurs ont réussi à créer des épinards connectés ». Je lis l’article et je ne réfléchis pas trop. Je me mets devant ma feuille et j’écris. J’ai envie que ce soit spontané, sans trop affuter les vannes. De toute façon, comme c’est quotidien, je ne peux pas y passer 8 heures par jour. J’aime cette dimension un peu punk : livrer ce qu’on a écrit sur le moment et puis, on verra bien. 

Vous avez récemment décidé de vous lancer sur scène. Comment s’est fait ce passage des ondes radio à la scène ? 

Je discute avec le producteur Christophe Meilland dans les coulisses d’une émission présentée par Arthur. Il me dit que mes chroniques sont bien et me demande si j’ai déjà pensé à monter sur scène. Je lui réponds : « Ah non surtout pas, je suis un type de radio, je veux rester caché et protégé, en studio avec les gens que je connais ». Christophe me propose d’écrire un spectacle. Je me dis pourquoi pas finalement. Une fois mon spectacle écrit, il me dit : « C’est trop bête, il faudrait le jouer pour voir si ça te plait ». 

Ces heures d’ennui qui m’ont forgé, je me suis créé un monde parallèle.

Il trouve une salle de trente personnes, La Cible à Pigalle, pour jouer pendant six mois. C’est un endroit amusant parce que c’est une ancienne salle de striptease. La scène est ronde, les lumières montent d’en dessous et les gens sont assis tout autour. Il manque juste la barre de pole dance [rires]. 

Moi qui ne voulais pas qu’on me voit, je me retrouve au centre de la scène. C’était complètement fou mais une bonne école. Au début, c’était un peu compliqué, je ne savais pas quoi faire de mon corps et je pensais être incapable de retenir un texte parce que je n’ai pas une très bonne mémoire. Finalement, je me suis pris au jeu ! 

Quel souvenir gardez-vous de cette première représentation ?

Je n'y croyais pas trop mais j’étais content de l’avoir fait. Je me disais que la première représentation était passée, que je n’étais pas mort et que tout allait bien [rires]. J’avais des petites notes sur scène parce que je ne connaissais pas le texte. J’avais le concept de la célébrité mais je ne savais pas trop où j’allais, il n’y avait pas encore de structure. J’ai créé la mise en scène petit à petit. 

   

  

Habitué à entendre votre voix à la radio, le public vous a donc découvert sur scène. Quel accueil vous a-t-il réservé ?

Très bienveillant. J’ai été adopté très vite. Ma chronique quotidienne me permet d’être perçu comme un ami, ou une vieille tante qui habite loin, à qui on rend visite une fois par an mais qu’on a l’impression d’avoir vu la veille [rires]. 

Comment avez-vous trouvé le thème de votre spectacle ?

J’ai souvent parlé des gens connus, politiques ou stars. Je me moque un peu de tout le monde. Je trouvais que c’était un bon fil rouge mais ce n’était pas encore très clair. Et puis, il y a eu ce fameux article de l’Obs pour lequel ils avaient mis la photo du journaliste Grégory Ascher à la place de la mienne. On en a ri sur les réseaux sociaux, on avait même inversé nos photos ! On a joué là-dessus pendant quelques jours : il est venu sur le plateau d’Ardisson pour faire ma chronique. Je me suis dit que c’était un bon début de spectacle parce que ça montre aussi la réalité de notre métier aujourd’hui : il y a 2 000 humoristes donc chacun s’adresse un peu à une niche mais dans la rue, à part quelques exceptions, on n’est pas reconnu par la plupart des gens. 

Ce titre de spectacle était-il une évidence ? 

J'hésitais entre Tanguy Pastureau n’est pas célèbre ou Presque célèbre pour faire référence à un film que j’adore sur les groupies du rock’n’roll des années 70 aux Etats-Unis. J’aime beaucoup cet univers. Je voulais reproduire l’affiche du film et porter les mêmes lunettes rondes. Le titre que j’ai choisi est aussi un contrepied au fait de se montrer sur scène. 

Dans votre spectacle, vous évoquez également votre enfance en Bretagne. Enfant, rêviez-vous d’être connu ?

Je ne rêvais pas d’être connu mais je voulais avoir une vie amusante au quotidien. J’étais un enfant de la campagne bretonne donc je m’ennuyais beaucoup. Il n’y avait pas grand chose à faire donc très vite l’imaginaire se met en marche et je pense que ce sont ces heures d’ennui qui m’ont forgé. Je me suis créé un monde parallèle comme beaucoup d’enfants. 

Qu’y avait-il dans votre monde ? 

J’avais des figurines qui étaient l’équivalent de playmobils mais avec des têtes d’animaux : des corbeaux, des moutons, etc. J’avais un village de ces figurines et j’organisais des élections. Je collais des affiches que j’avais fabriquées avec mon petit frère. C’était un peu aberrant parce que, quand on joue, on n’organise pas de campagne électorale [rires]. Mais j’étais déjà un peu nourri de l’actu. Mes parents étaient très politisés. On baignait dans une ambiance militante. Je m’imaginais plein de choses en tordant la réalité.  

Dans votre spectacle, vous dites que vous avez du mal à sublimer les personnes que vous ne connaissez pas. Y a-t-il tout de même une exception ?

Je sublime mes proches. Sur scène, je parle de mon grand-père et de mes parents, des gens du quotidien. 

Quelle est la première personne qui vous ait fait rire ? Était-ce un breton ? 

C’est possible ! Jean-Yves Lafesse était breton et me faisait beaucoup rire. J’aimais son impertinence. Et puis, j’adorais toutes ces situations incongrues. Par exemple, les gens surpris dans la rue par quelqu'un qui fait quelque chose d’aberrant. J’aime ces moments de suspens quand on ne sait pas ce qu’il va se passer. 

Ils avaient mis la photo du journaliste Grégory Ascher à la place de la mienne.

Je me souviens aussi que mes parents faisaient souvent les manifestations anti nucléaires et qu’il y avait un clown (on ne le connaît qu’en Bretagne). Il faisait toutes les manifestations militantes d’extrême gauche, il manifestait contre l’atome. Il était sur des bottes de foin dans des fermes avec mille personnes qui criaient : « Non à l’impérialisme américain, mort au coca cola ». Ce clown était là pour amuser les enfants qui s’ennuyaient dans ce type d'événements. Et il nous en mettait plein la tête avec des textes d’extrême gauche [rires]. 

Pour finir cette interview, avez-vous une autre info insolite que vous n'avez jamais révélée au grand jour ?

J’adore les mots fléchés ! C'est une passion nouvelle. Je m’y suis mis pendant les vacances de Noël. J’ai acheté un magazine sur une aire d’autoroute. Je me disais que je n’en avais jamais fait donc que ce serait une expérience en plus. Et en fait, c’est un véritable sport cérébral. Certaines définitions sont complètement folles : on imagine tous les mots possibles sauf celui qui va alors que c’était évident ! Remplir une grille de mots fléchés n’est pas si simple [rires]. Il faut plusieurs mois d’entraînement. 

Retrouvez toutes les actualités de Tanguy Pastureau sur Instagram 

Crédit photo de couverture : © Aldo Paredes