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Rencontre avec Rey Mendes : « le premier gros rire envoie une décharge qui te rend invincible »

19 Aout 2022

Lorsque Rey Mendes monte la première fois sur scène pour faire des blagues, c’est une révélation. Quelques années plus tard, il est repéré par Jamel Debbouze et intègre la troupe du Jamel Comedy Club. Devenu accro à la scène, le stand uppeur arpente les différents comedy clubs. Il prépare en ce moment son premier spectacle qu’il jouera les 2 et 3 septembre au Point Virgule. Rencontre avec une future star de l’humour.

Quel est votre premier souvenir lié au rire ? 

Ma première rentrée en maternelle où on me fait remarquer que je suis noir. J’ai grandi dans une famille de Noirs, comme dans notre quartier. Pour cette rentrée, mes parents m’inscrivent dans une école un peu éloignée. Devant la grille de l’école, je vois plein de parents et leurs enfants, plein de Blancs. Une petite fille s’approche et me lèche le bras. Je panique. Elle se met à pleurer. Sa mère vient la voir et lui demande ce qu’il se passe. Sa fille lui répond : « Il n’a pas le goût du chocolat ». Tout le monde rit. C’est le souvenir le plus lointain que j’ai où je vois des personnes éclater de rire autour de moi. 

Ce qui est drôle dans cette histoire, c’est que cette petite fille m’avait fait vraiment peur, je me disais qu’elle était cannibale. J’ai vu l’aspect premier degré dans le fait de me lécher le bras [rires]. Le lendemain, elle avait même essayé de me gommer avec une gomme ! J’étais trop jeune pour percevoir qu’elle ne comprennait pas que j’étais noir. C’est intéressant parce que ça veut dire que pour plein de gens, le noir est un point d’interrogation. Surtout quand on est petit. En plus, sa mère lui avait répondu que j’étais bronzé. Ce qui est faux mais c’était sa manière de lui expliquer. 

Et le dernier souvenir ?

Mon fils de 5 ans. En ce moment, il m’appelle « mec » avec un accent comme les doublages de films américains. Quand il est parti ce matin, il m’a lancé : « Ciao mec ! » [rires]. 

Comment avez-vous découvert le stand up ? 

A la télé, avec le Jamel Comedy Club saison 1 qui passait sur Canal +. J’ai vu le décalage entre le JCC et ce que j’avais pu regarder auparavant comme les one man show de Gad Elmaleh ou les sketchs des Inconnus. Le JCC représentait l’esprit du stand up mais je n’arrivais pas encore à mettre un nom dessus. Je comprenais qu’il y avait quelque chose en plus ou en moins qui me parlait davantage. Mais à aucun moment, je me disais que j’allais faire du stand up. Je n’ai pas eu le déclic tout de suite. 

Vous découvrez donc le stand up via le Jamel Comedy Club en tant que spectateur. Comment avez-vous franchi le pas sur scène ? 

Mon cousin travaillait dans l’animation culturelle et il organisait des concerts et des concours de hip-hop à Evreux. Il avait besoin d’un speaker. Il m’a proposé de présenter la soirée. J’avais 20 ans. J’ai préparé des blagues sans rien dire parce qu’à la base je devais juste présenter et annoncer les différents artistes entre chaque passage. Mais j’ai choisi de lancer des vannes entre les tours. J’ai fait du stand up pour la première fois sans le réaliser. 

J’ai eu la pression toute la journée mais dix minutes avant de monter sur scène, j’étais pressé, impatient. 

En y repensant, c’est une des scènes les plus difficiles que j’ai faite parce que toutes les personnes de mon quartier - mamans, enfants, ados, ami•e•s avec qui j’étais à l’école - étaient présentes. C’était dans un gymnase : le public était assis devant la scène et sur les côtés, comme dans une arène. J’avais une pression de fou. Mais comme j’ai vu que tout se passait bien, j’ai eu un déclic. Je me suis dit : « Je peux le faire ». J’avais même envie de remonter sur scène instantanément.   

 

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Lorsque vous êtes monté pour la première fois sur scène à Evreux, qu’avez-vous ressenti ? 

On ne m'attendait pas en tant qu’humoriste alors je n’avais pas peur de rater mes vannes comme aujourd’hui. J’avais juste peur que ça se passe mal. J’ai eu la pression toute la journée mais dix minutes avant de monter sur scène, j’étais pressé, impatient. 

Lorsque tu joues, le premier gros rire que tu entends t’envoie une décharge qui te rend invincible. Je suis tombé addict de cette décharge. Aujourd’hui, je ne suis plus dans l’attente de ce gros rire mais quand il arrive, il a toujours le même effet. C’est le premier saut qui te permet de ne plus avoir le vertige. 

Vous arrivez ensuite à Paris, comment vous êtes-vous lancé sur les scènes parisiennes ? 

Je suis monté à Paris pour mon travail. J’étais vendeur de prêt-à-porter. Je me suis inscrit à un tremplin d’humour au Point Virgule - le Trempoint - et je me suis présenté à l’audition. Quand tous les humoristes sont passés, une dame est descendue vers la scène et nous a fait un retour à chacun. C’était Antoinette Colin (directrice artistique du Point Virgule [n.d.l.r]). Elle m’a proposé de faire les Trempoint. Ce sont mes premières scènes parisiennes ! Ensuite, tout s’est enchaîné très vite grâce à Antoinette Colin. J’ai pu faire le Grand Point Virgule puis le FUP (Festival d’Humour de Paris [n.d.l.r]). Voilà comment j’ai franchi le pas. 

Pour vous, que représente le stand up ? 

J’ai compris qu’à plusieurs moments de ma vie, j’avais déjà fait du stand up sans m’en rendre compte. Par exemple, ma première scène à Evreux en tant que speaker et plein d’histoires notées dans des brouillons sans savoir pourquoi je les écrivais. Aujourd’hui, la plupart de ces anecdotes se retrouvent dans mes sketchs. C’est fou, tout était lié ! Le stand up est vraiment le métier qui correspond le plus à mon caractère, mes qualités et mes défauts. 

J’étais entouré de rêveurs qui ont cru en moi.

Dans mon parcours, beaucoup de personnes m’ont aidé et m’ont encouragé alors que je me mettais des freins tout seul. Dans ma vie, deux mots ont tué beaucoup de rêves dans mon quartier : c’est « suceur » et « bouffon ». Tu voulais faire quelque chose qui ne colle pas à la vision du quartier, comme saxophoniste, tu étais un bouffon. Et si quelqu’un te soutenait en te disant que tu pouvais en faire un métier, c’était un suceur. Sans que personne n'ait eu à intervenir de l’extérieur, le rêve était déjà éteint avant d’avoir commencé. J’avais aussi cette mentalité-là. Heureusement, j’étais entouré de rêveurs qui ont cru en moi. Mon cousin a été un des moteurs. 

 

Vous faites désormais partie de la troupe du Jamel Comedy Club. Vous avez fait une tournée en  France. Que retenez-vous de cette expérience ? 

C’était un nouvel exercice. Cette tournée m’a appris à m’adapter à différents endroits et m’a permis de prendre un petit step supplémentaire dans mon jeu. Pour chaque lieu, j’écrivais quelque chose sur la ville. Mais uniquement ce que j’avais ressenti, pas la vanne pour la vanne, je ne voulais pas descendre le lieu. J’ai aimé jouer dans toutes ces villes même celles où je n’aurais pas posé une seule pièce dessus [rires]. 

Comment construisez-vous vos sketchs ? 

Je n’aime pas ma voix alors pour travailler je m’enregistre très peu. Même quand je prends la peine de le faire, je ne m’écoute pas [rires]. Je joue tellement mes sketchs que je les connais par coeur. Ils se construisent de cette manière. J’ai une mémoire très sélective : je ne retiens pas les prénoms mais je vais me souvenir de ce qui avait marché dans un passage ou de ce qu’il faut que je retravaille. 

Je me dis qu’entre les répétitions et le tournage, je vais aller m’acheter une tenue. Déjà, mauvaise idée.

En stand up, chacun a une approche différente dans sa manière de travailler ses passages. Il ne faut pas essayer de calquer une méthode qui ne te correspond pas. Il faut écouter ses besoins, ses envies, comprendre ce qui fonctionne pour toi. Par exemple, pour moi, me lever à 10h pour écrire des blagues, c’est impossible [rires]. Avec le temps, j’ai compris que j’étais plus créatif le soir.  

Vous avez également participé à Génération Paname à deux reprises : une émission enregistrée au Paname Art-Café et une à La Cigale. Auriez-vous une anecdote sur les coulisses de cette émission ? 

La première émission est enregistrée au Paname Art-Café. On doit être sur place pour faire les balances vers 15h et on tourne à 19h30. Je me dis qu’entre les répétitions et le tournage, je vais aller m’acheter une tenue. Déjà, mauvaise idée. Je déteste faire les magasins. Une fois ma tenue trouvée, j’ai mal à la tête et aux jambes. Je vais chez un pote à Argenteuil pour faire une petite sieste. Sauf que je me réveille à 19h. J’avais reçu plein de messages de la production qui me demandait où j’étais. 

J’arrive au Paname avec le stress qu’il ne faut pas [rires]. Et là, je réalise que je n’ai pas pris le sac avec les affaires que j’ai acheté l’après-midi pour l’émission mais que je l’ai laissé à Argenteuil. J’appelle mon pote, je suis en panique. Je passe en premier en plus…. L’émission commence, je n’ai toujours pas ma tenue. Comme dans les films, mon pote arrive à la dernière seconde. J’enfile mon pull/mon pantalon et je monte sur scène !

 

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Quel est votre rituel avant de monter sur scène ? 

J’ai mis du temps à trouver la bonne formule. Les coulisses peuvent être très anxiogènes. En comedy club, comme on joue dans des caves, les coulisses n’ont pas de fenêtre. C’est un endroit clos, les humoristes tournent en rond en répétant leur texte et ils te transmettent leur stress malgré eux. Je suis une éponge alors si quelqu'un panique à côté de moi, je vais me mettre à douter même si je ne teste pas de vannes ce soir-là. 

Le rire a toujours été un pare-feu, une aide psychologique. 

Maintenant, avant de prendre le micro, je fais un petit tour avec ma musique dans les oreilles. Je ne répète pas. Je règle le curseur de mes émotions en fonction de la musique que je choisis. Si je suis trop euphorique, je mets une musique un peu nostalgique. A l’inverse, si je n’ai pas trop d’énergie, je mets une musique joyeuse que ma famille aimait ou que j’entendais aux mariages quand j’étais petit. 

Vous jouez votre spectacle au Point Virgule pour deux exceptionnelles les 2 et 3 septembre. Comment décririez-vous ce seul-en-scène ? 

Je viens d’un quartier qui s’appelle La Madeleine à Evreux. En jouant mon spectacle la première fois, j’ai pensé à l’expression « Madeleine de Proust ». Dans ce spectacle, il y a un peu de nostalgie et beaucoup d’anecdotes qui retracent mon parcours. Je dépeins une situation actuelle en lien avec la société qui me renvoie à une histoire personnelle. Ce spectacle retrace donc une partie de  mon histoire : celle d’un petit ayant vécu des choses parfois compliquées mais qui, grâce à son imagination, les tournaient en dérision. Le rire a toujours été un pare-feu, une aide psychologique. 

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